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satin bleu pâle et rose, aux bouts longs et flottans. On dirait un modèle de Kate Greenaway.

Bientôt l’orchestre fait entendre les premières mesures de la Marche des fiançailles de Mendelssohn ; jeunes gens et jeunes filles sont invités à former un cortège aux fiancés. Didier s’empresse d’offrir la main à miss Ethel, qui ne reconnaît aucunement en son élégant partner le campagnard de Seine-et-Oise. Après avoir parcouru en cadence les allées sinueuses, on fait une halte au buffet, où, sous prétexte de réfection, on reste un moment à causer, à flirter et à rire. Sans avoir l’air d’y toucher, Didier amène adroitement la conversation sur les voyages et demande à miss Ethel quel est, des pays qu’elle a parcourus, celui qu’elle préfère.

— C’est la France ! répond-elle.

— Qu’est-ce qui vous en plaît le plus, mademoiselle? Les montagnes ou les forêts ?

— Les forêts. Déjà nous avons passé une année dans les Ardennes; si beaux qu’en soient les bois, je reproche à leurs nébuleuses profondeurs l’uniformité des teintes. Il en est d’autres à l’aspect plus riant, moins sombre, que je préfère.

— Lesquels, par exemple?

— Ceux de Fontainebleau, de Saint-Germain et, par-dessus tout, la forêt de Marly.

— Ah! vraiment?

— Chateaubriand, que je comparerais volontiers à notre Ruskin, en a fait des descriptions qui, depuis longtemps, me donnaient un vif désir d’en connaître les beautés. C’est seulement l’an dernier que nous avons pu réaliser ce projet.

— La réalité a-t-elle justifié vos espérances?

— Elle les a même dépassées; en outre, le pays est si joli! j’ai fait là de nombreux croquis; à Marly-le-Roi, j’ai dessiné ce qui reste du château aux douze pavillons ; à l’Étoile royale, la table de pierre, ombragée de chênes séculaires, qui servait de rendez-vous aux chasses royales.

— Quoi encore?

— Des sites charmans qui se détachent comme un détail minuscule, mais non sans importance, du grand tableau de la nature ; entre autres, la fontaine du Bosquet du roi; j’en ai fait d’abord un dessin, puis un fusain et, enfin, une aquarelle, que je regarde toujours avec plaisir, toujours avec regret !

— Entre-t-il dans vos projets d’y retourner cette année? demanda-t-il d’une voix légèrement émue.

— Hélas! non. Après la cérémonie du mariage de M. D’Autac, nous partons pour le canton d’Appenzel, où mon père doit faire une cure de lait.