Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lambert joue La Roseraye : ce « gredin » a de la tenue. M. Dumény en a trop : on peut être le « gentilhomme, » le « guerrier » que nous savons, sans cette constante raideur d’insolent au port d’armes. J’ai là deux dessins[1] qui représentent M. Dumény en deux scènes différentes : il a la même cambrure; trop de hanche! Inquiet, sans doute, sur l’accueil que ferait le public à un pareil héros, ce bon comédien a exagéré la bravade ; un peu plus d’aisance, au contraire, eût peut-être séduit quelques récalcitrans.

J’ai donné à Michel Pauper, dans cette revue, la part du lion, et même celle du Lion amoureux: c’est que l’extraordinaire, à étudier, est plus amusant que l’ordinaire. Non, décidément, ce n’est rien de mieux, cette poésie dramatique de Ponsard : du « grand ordinaire, » comme disent les sommeliers, soit; mais du nectar, non pas! On s’en est régalé, je le sais, en 1866 : c’est qu’on avait trop de plaisir, sous l’empire, à entendre parler de république. Et l’empire lui-même, issu de la révolution, applaudissait la tirade du conventionnel Humbert. Quelques-uns, cependant, jugèrent l’ouvrage à sa valeur : Saint-Victor, éclairé sur les faiblesses de Ponsard par le soleil de Hugo; Saint-René Taillandier, par la pure lumière d’une haute raison. Ici même, Saint-René Taillandier démêlait, dans l’auteur du Lion amoureux, un historien de la révolution, un moraliste annonçant la fin des partis, un écrivain dramatique; et, avec justice, il préférait les deux premiers au troisième. L’historien, aujourd’hui que nous sommes un peu déniaisés sur cette matière, nous paraît trop naïf; le moraliste, hélas! nous paraît chimérique; reste la moindre personne de cette trinité : elle n’a rien gagné en vingt ans. La pièce offre encore le même intérêt, un intérêt modéré ; le style, les vers sont ce qu’ils étaient : l’éloquence alterne avec la platitude et la fermeté avec la mollesse. Il sera toujours malséant de parler de cet ouvrage sans respect; il est impossible aujourd’hui d’en parler avec enthousiasme. Le principal attrait de cette reprise est le charme honnête d’une nouvelle comédienne. Mlle Panot : elle a une jolie voix, de la grâce et de la distinction ; elle joue finement la marquise de Maupas; elle jouera mieux encore, s’il plaît au destin, la marquise de Presles.


LOUIS GANDERAX.

  1. Les Premières illustrées (sixième année). M. de Brünhoff, directeur ; Piaget, éditeur. Paris, 1887.