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amélioré, cette première journée de marche ne se fit pas sans lenteur ni désordre ; le soir, la colonne s’arrêta sur le bord de l’Oued-bou-Eufra ; dans la nuit, un orage diluvien inonda le bivouac ; le troupeau effrayé se dispersa ; un grand nombre de bêtes disparurent et on eut beaucoup de peine à rattraper les autres. Le 14, on coucha à Mou-el-Fa ; le 15, le convoi ne franchit le col d’Aouara qu’après avoir été allégé, c’est-à-dire après avoir abandonné sur le bord du chemin la plupart des engins du génie, les échelles d’assaut entre autres, et, ce qui était au moins aussi grave, une grande partie de l’orge destinée aux chevaux. Arrivé à la hauteur de Ghelma, le maréchal laissa la colonne bivouaquer sur la rive gauche de la Seybouse et s’en alla visiter les travaux exécutés par l’avant-garde. Il s’en montra satisfait et donna au général de Rigny ses instructions pour la marche du lendemain. En cinq jours la brigade n’avait pas eu moins de quatre-vingt-cinq malades ; le maréchal voulait qu’on les emmenât en disant qu’ils seraient mieux soignés à Constantine ; mais comment les emmener, quand l’ambulance de l’avant-garde ne disposait que de huit paires de cacolets et de huit brancards, c’est-à-dire de vingt-quatre places en tout ? Lorsqu’au départ de Bône le chirurgien-major de l’ambulance s’était étonné d’avoir si peu de ressources, on lui avait répondu que, l’armée ne devant pas se battre, ces ressources étaient parfaitement suffisantes. Pour comble d’embarras, un certain nombre de muletiers arabes avaient déserté la nuit avec leurs bêtes. Ordre fut donc donné de laisser à Ghelma les malades et aussi, les moyens de transport ne suffisant plus, cent cinquante mille cartouches, plus du quart de l’approvisionnement, malades et munitions sous la garde d’un détachement d’infanterie. Le lendemain, les troupes étant déjà en mouvement, l’intendant Melcion d’Arc, qui était venu inspecter l’hôpital improvisé du camp de Ghelma, chercha vainement cette infanterie ; on avait oublié de l’y mettre. Il fallut y envoyer cent cinquante hommes du 59e, qui furent, quelques jours après, renforcés par le troisième bataillon du 62e, arrivé à Bône après le départ de l’expédition.

L’armée marchait en deux colonnes parallèles, la brigade de Rigny sur la rive droite de la Seybouse, la brigade Trézel sur la rive gauche ; elles devaient se réunir à Mjez-Ahmar. Comme les berges de la rivière étaient fort escarpées, les sapeurs travaillèrent pendant la nuit afin d’y ménager des rampes. Le 17 au matin, la colonne principale rejoignit l’avant-garde sur l’autre bord. Depuis deux jours, on voyait s’élever de plus en plus à l’horizon du sud une haute montagne que les guides disaient être difficile à franchir. Ils ajoutaient que, de l’autre côté, le pays, jusque-là verdoyant et boisé, changeait subitement d’aspect ; que, de cette montagne à Constantine, s’étendait un vaste plateau d’une terre argileuse bonne pour la charrue,