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dans ce sens, des essais qui ont réussi. On a élevé, boulevard Kellermann, des maisons pouvant abriter deux ménages et qui n’ont coûté que 10,720 francs. Passage Boileau, on voit des maisonnettes qui ne sont revenues qu’à 4,356 francs; d’autres qui, construites à la fois au nombre de dix, ne représentent ensemble qu’un capital de 36,000 francs. Cependant, le terrain est trop cher à Paris pour qu’on puisse bâtir des maisons pour un seul ménage. Dans toutes les classes de la société, c’est un grand luxe que de demeurer seul, et, de même qu’un petit hôtel modeste est plus dispendieux qu’un appartement de même étendue dans une maison de rapport, de même on pourra toujours loger les ouvriers à meilleur compte dans des maisons destinées à plusieurs familles qu’en leur donnant à chacune une maisonnette, comme cela se fait aux environs des grandes usines pour les familles des employés. La solution du problème est évidemment intermédiaire ; elle est à moitié route entre les petites maisons coûteuses dont je parlais tout à l’heure et les grandes casernes insalubres, comme celles de la cité Jeanne-d’Arc.

La question des logemens à bon marché n’intéresse que les grands centres industriels et les villes de premier ordre. Dans les petites localités, il y a toujours assez de place et de maisons vacantes pour abriter les gens qu’on est obligé de déplacer dans un intérêt de salubrité. Il s’agit, en effet, de quelques masures à démolir ou à réparer, de quelque cloaque qu’il faut nettoyer et assainir; cela n’amène pas de grands mouvemens de population et n’implique aucune dépense pour la ville, puisque tout se fait aux frais des propriétaires. En résumé, des trois conditions fondamentales que l’hygiène impose aux villes dans l’intérêt de leur salubrité, il en est deux qui ne sont qu’une affaire de police et de surveillance, et qui n’entraînent aucune de ces dépenses devant lesquelles reculent les municipalités. Les amenées d’eau seules sont dispendieuses, et ce sont les sacrifices que les communes s’imposent le plus volontiers, parce qu’elles répondent à ce besoin de confortable qui va croissant avec la civilisation et qui a été de tout temps un des plus solides auxiliaires de l’hygiène ; l’entretien de la propreté souterraine et la destruction des foyers d’infection ne sont pas d’une utilité aussi évidente. L’abondance des eaux est du reste la première condition d’une bonne tenue de la voie publique, car tout se tient et tout peut être obtenu à peu de frais si l’on y apporte beaucoup de soin. On peut en dire autant des autres questions municipales dans lesquelles l’hygiène a le droit d’élever la voix. Ses exigences sont partout compatibles avec l’épargne des deniers publics. Qu’il s’agisse de construire une école, un lycée,