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avaient amassés. Quelques chapeaux furent atteints, des épaules froissées, mais les assaillans se retirèrent à distance sans grands dommages.

Le jour baissait doucement ; le soleil atteignait déjà la cime des coteaux qui dominent la rivière. Les rayons obliques, en frappant les vitres, donnaient à la façade du collège l’aspect d’une maison incendiée. Le pauvre principal marchait la tête basse, les mains derrière le dos, la cravate dénouée ; il ne savait quel parti prendre.

Simon Carmejade se tenait à l’écart. Cette scène l’attristait et lui causait une révolte intime. Il pensait avec regret, à cette heure, que l’exaltation qu’il avait entretenue parmi les élèves n’était pas sans influence sur l’état actuel de leur esprit. Ce résultat imprévu renversait ses idées. Il y avait là pour lui une expérience décevante. Les hommes valaient-ils mieux que les enfans ? Ceux qu’il voulait rendre sages par la liberté sauraient-ils en faire meilleur usage que ceux-ci, qui débutaient par la licence ?

Juliette, le voyant isolé, vint à lui. Dans sa confiance, elle pensait qu’il était seul capable de rétablir l’ordre.

— Qu’allons-nous faire ? lui dit-elle ; ils me font trembler avec leur violence.

Simon répondit :

— Promettre le pardon et assurer l’oubli. Si j’étais maître ici, je ferais évacuer la cour et j’irais aux pauvres égarés, seul. Je leur dirais qu’ils me font de la peine, à moi, leur ami, à vous aussi, leur mère, et j’attendrais patiemment qu’ils l’eussent compris. Chez les hommes, comme chez les enfans, il faut chercher ce chemin mystérieux qui mène au cœur et avant tout faire cesser la violence.

— Pourquoi n’essayez-vous pas de leur parler, de suivre cette route mystérieuse, que vous semblez si bien connaître ?

— Ils sont bien mal préparés ; à cette heure, la colère et l’orgueil les affolent ; cependant, si vous le désirez, vous, j’essaierai.

— Je vous en prie, dit-elle en pliant son regard sous celui du jeune homme.

Il lui pressa la main et marcha d’un pas décidé. En se dirigeant vers la maison, Simon passa près du père Antoine :

— Monsieur le principal, lui dit-il, avant d’entamer la violence, laissez-moi tenter la douceur. Je crois n’être point sans influence sur les élèves. Je vais leur parler ; j’ai l’espoir qu’ils consentiront à m’entendre.

Le principal était un esprit faible, facile à influencer ; le sous-préfet, qui était pour le parti de la force, l’avait déjà convaincu quand Simon vint s’offrir.

— Je vous conseille, répondit-il d’un ton bourru, de prêcher aujourd’hui la patience et le pardon, après avoir poussé les enfans à