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du général Perregaux, qui. sur un ordre reçu du maréchal pendant la nuit, était venu de Tlemcen à sa rencontre. Menacé d’être pris entre les deux colonnes, Abd-el-Kader s’était hâté de se retirer. Le camp qu’il avait occupé ensuite dans une forte position défensive n’aurait pu être emporté qu’au prix d’un sanglant effort ; après l’avoir reconnu, le maréchal ne jugea pas à propos d’y sacrifier ses troupes. Il rentra, le 28 janvier, à Tlemcen, suivi à distance par un millier de cavaliers qui faisaient parler la poudre en poussant des clameurs de triomphe. En effet, pour les Arabes, Marocains et Kabyles, c’était celui qui se retirait qui était le vaincu, et la retraite de la colonne française leur semblait d’autant mieux une défaite qu’elle avait échoué dans son projet de pousser jusqu’à Rachgoun.

Les huit derniers jours que le maréchal Clauzel passa dans Tlemcen furent employés à réparer les défenses du Mechouar, à compléter son approvisionnement, malheureusement aussi à presser l’affaire de la contribution. A l’intimidation, aux menaces, avaient succédé les peines afflictives, l’emprisonnement, la bastonnade. Cependant les cris des victimes devinrent si violens et les murmures de l’armée si expressifs que le maréchal fut obligé de les entendre. Il commença par suspendre la perception, qui avait produit une valeur de 94,000 francs, partie en numéraire, partie en matières d’or et d’argent. Du numéraire, 29,000 francs furent employés à la solde des troupes, 6,000 versés au lieutenant trésorier de la garnison du Mechouar. Quelques jours après, à la veille de quitter Tlemcen, le maréchal voulut sauver au moins les apparences et couvrir d’une forme régulière ce qu’il s’était permis jusque-là d’arbitraire à la turque. Le 6 juillet, il signa un arrêté qui imposait aux habitans riches de Tlemcen un emprunt forcé de 150,000 francs, remboursables en quatre années, déduction faite des valeurs antérieurement recueillies pour la contribution. Plus tard, quand il eut vu l’indignation gagner la France entière, il fit annoncer dans le Moniteur algérien la restitution des sommes qui n’avaient pas été employées encore ; mais il ne lui fut pas accordé de réparer lui- ême l’iniquité de ses actes. Ce fut par un vote des chambres françaises que les spoliés reçurent l’équivalent, non de ce qu’ils avaient effectivement payé, mais de ce que les collecteurs déclaraient avoir perçu, au taux d’estimation, en recette.

Le 7 février, la colonne expéditionnaire quitta Tlemcen. Au lieu de regagner Oran par la route directe, le maréchal prit celle de Mascara. Pendant les trois premiers jours, la marche ne fut ralentie que par les accidens du terrain, qui devenaient de plus en plus ardus à mesure qu’on s’élevait plus haut dans les montagnes des Beni-Amer ; grâce aux travaux incessans du génie, ces obstacles furent heureusement tournés. Le 10, au moment où la colonne,