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qu’il désire, dont il a besoin pour avoir son armée fortifiée, libre du contrôle parlementaire. Il a fait jouer tous les ressorts. Il a sinon encouragé, du moins toléré cette campagne des bruits de guerre, au risque de laisser développer et grossir une tempête qui a pu le servir auprès des électeurs, que seul maintenant il peut apaiser; mais de tous les moyens dont s’est servi M. de Bismarck pour avoir le succès dans ses élections, le plus imprévu ou le plus étrange, est, sans nul doute, l’intervention du pape. Léon XIII, en fin politique, n’a pas refusé de faire écrire à son nonce à Munich pour presser les catholiques du centre de se rallier au septennat. Il l’a fait, il ne l’a pas caché, pour être agréable à l’empereur et au chancelier; il l’a fait aussi, on peut bien le penser, dans l’esp ir de décider le gouvernement de Berlin à effacer ce qui reste des lois de persécution religieuse; il est intervenu enfin parce qu’il n’a VII, dans le vote demandé aux catholiques allemands, rien que de favorable à la paix. De sorte qu’avec ces bruits de guerre, qui ont pu émouvoir bien des esprits, et cette intervention du pape, qui aura sûrement son influence sur les électeurs catholiques, même sur les candidats qui résistent encore, le septennat a bien des chances de trouver une majorité. M. de Bismarck aura vraisemblablement sa victoire; il ne l’aura pas obtenue sans peine. Tout ce qu’on peut désirer, c’est que le succès de ce septennat, puisque septennat il y a, soit le signal de la fin des agitations, d’un commencement de paix dans les esprits.

Pour le moment, tout ce qu’il y a de sagesse dans nos chambres se réduit à un silence complet et expressif sur ces affaires du jour auxquelles elles n’auraient pu toucher sans péril, sans créer des embarras à ceux qui sont chargés du gouvernement de la France. C’est encore quelque chose d’avoir su résister à la tentation et éviter une occasion facile d’indiscrétions, de légèretés coupables ou de déclamations oiseuses. On en a été quitte, au Palais-Bourbon, pour se dédommager et prendre sa revanche avec le budget, où nos députés se seraient inévitablement perdus si la discussion se fût prolongée, s’il n’avait fallu se hâter pour essayer d’échapper à la déplaisante nécessité d’un nouveau douzième provisoire. On a fini par tout voter un peu pêle-mêle, au pas de course, non sans se donner chemin faisant le plaisir de quelques économies improvisées au hasard du scrutin, et il en est résulté ce qu’on appelle le budget u d’attente, u c’est-à-dire un budget qui ne résout rien, qui ne règle rien, qui laisse tout en suspens. Comme s’il n’était pas assez confus, cependant, on y a ajouté, par passe-temps, un article de fantaisie invitant le gouvernement à proposer ou à étudier un impôt sur le revenu. L’auteur de la motion n’y allait pas de main légère; il proposait du premier coup un impôt a unique et progressif.» La chambre s’est arrêtée devant ces mots suspects; elle s’est bornée à accepter le mot vague d’impôt sur le revenu, et encore le partage