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LES DESCENDANS DES MAGES.


Quatre ans après ce singulier épisode, en 641, avait lieu la bataille de Navahand entre Perses et Arabes. Les premiers furent écrasés aux cris victorieux de : Allah akbar ! Dieu est grand ! Ce fut le dernier coup porté à l’antique empire. L’Islam, comme un flot irrésistible, s’étendit d’Orient en Occident jusqu’au jour où il vint se briser dans les plaines de Poitiers devant Charles-Martel.

Lorsque la Perse n’eut plus de roi ni d’armée, lorsqu’elle fut tombée entièrement au pouvoir des califes de Bagdad, les vainqueurs se hâtèrent de transformer les temples dédiés au Feu en mosquées d’Allah. Des millions de Mages, placés entre l’abjuration et la mort, embrassèrent l’islamisme. Ceux qui ne voulurent ni se convertir ni mourir abandonnèrent leurs foyers et se réfugièrent dans les montagnes du district de Khorassan, où, pendant un siècle, ils vécurent oubliés, pratiquant leur culte sans bruit. Un jour, pourtant, ils furent dénoncés et de nouveau persécutés. Ceux qui purent échapper au yatagan des Arabes se réfugièrent dans la petite île d’Ormus, située à l’entrée du Golfe-Persique. Ce ne fut qu’une halte : obligés encore de fuir, d’abandonner leur patrie et cette fois pour toujours, ils achetèrent des embarcations, y placèrent leurs femmes et leurs enfans et firent voile dans la direction de l’Hindoustan.

Les peuples de cette contrée ne leur étaient pas tout à fait étrangers. Pas moins de cinq cent dix ans avant Jésus-Christ, Darius Hystape avait placé la province du Penjab sous la domination persane. Le feu qui brûlait encore sur les autels de cette province au commencement de notre ère prouve que la religion des Mages n’y était pas inconnue. Dans le Patrologiœ Cursus de l’abbé Migne, on peut voir que les Perses étaient déjà, à une époque bien ancienne, les maîtres du commerce de l’Océan-Indien. D’après Jean Reynaud et Anquetil du Perron[1], des Hindous qui, par réciprocité, étaient venus dans le royaume d’Iran, avaient joui du droit d’y pratiquer librement leur culte. Au VIIe siècle, des Persans qui parcoururent les Indes orientales poussèrent leurs exploitations jusqu’au Cathay, jusqu’en Chine. Il est avéré que quelques-uns y vinrent en proscrits et en marchands.

Quel était le nombre des émigrans ? Peu considérable sans doute pour avoir pu se transporter si aisément d’un point à un autre. Après Ormus, les fugitifs débarquèrent à Diu, un îlot da golfe de Cambay, placé au sud de la côte de Kathiavar. Ils y restèrent dix neuf ans seulement. Un jour, leur grand-prêtre ou dastur les assembla et leur dit qu’après avoir interrogé les étoiles, il jugeait un nouveau départ nécessaire. Avec une docilité admirable, les Mages

  1. J. Reynaud, Abulfédas. — Anquetil du Perron, Zend-Avesta, t. I.