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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars.

Telle est la vie européenne avec ses troubles, ses contradictions, ses courans mystérieux et ses perpétuelles incertitudes. Un jour on craint tout, on éprouve une sorte de volupté sombre de pessimisme à compter les points noirs à l’Occident et à l’Orient; on voit déjà la guerre allumée entre les grandes nations, entre la France et l’Allemagne ou entre l’Autriche et la Russie, sans parler des alliés que l’extension de la lutte entraînerait. Le lendemain, tout a changé, les nuages semblent se dissiper, et on se remet à croire à la paix surtout parce qu’on la désire, — on marche d’un pas plus libre vers le printemps, ce terrible printemps qui a toujours la mauvaise réputation d’être la saison périodiquement promise aux grandes et fatales collisions des peuples. C’est notre histoire depuis deux mois. Après les bourrasques et les secousses de l’hiver, le calme et la confiance sont revenus. On met à l’heure qu’il est autant de soin à énumérer complaisamment les signes de paix qu’on en mettait le mois dernier à calculer les chances de la guerre, à dénombrer les forces destinées à s’entrechoquer. Avait-on raison il y a quelques semaines de s’alarmer si vivement, comme si on avait déjà entendu le bruit des canons et des armées en marche sur la frontière? a-t-on complètement raison aujourd’hui de se rassurer, de s’abandonner à une confiance sans limites, comme si tout danger avait subitement disparu, comme si on n’avait fait qu’un mauvais rêve heureusement évanoui ? Ni optimisme, ni pessimisme, une fermeté tranquille, attentive et persévérante, c’est ce qu’il y a de mieux. La plus sûre moralité à dégager de ce mouvement confus des choses du jour serait sans doute qu’il ne faut ni trop se hâter de s’alarmer ni se rassurer trop vite, par cette raison bien simple que, si toutes