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cents mulets de bât. L’effectif général de l’armée d’Afrique, au 1er mars, approchait de 60,000 hommes répartis en quatre divisions, affectées, les deux premières avec une réserve à la province d’Alger, la troisième à la province d’Oran, la quatrième à la province de Constantine. L’effectif des divisions d’Alger et de la réserve dépassait 33,000 hommes.

L’heure était venue d’exécuter le plan de campagne proposé par le maréchal, accepté par le gouvernement, et dont le prologue devait être l’occupation de Cherchai. Il y avait pour commencer par là une raison urgente, la même qui, l’année précédente, avait décidé l’occupation de-Djidjeli. Le 26 décembre, un bâtiment de commerce français avait été capturé par une tartane de Cherchel ; était-ce donc, après dix années, la renaissance de la piraterie barbaresque? Le bruit courait que des corsaires musulmans avaient été signalés dans les parages de Barcelone.

Pour cette opération préliminaire, trois brigades furent organisées, sous les ordres des généraux d’Houdetot, de Dampierre, Duvivier, et sous le commandement supérieur du maréchal Valée en personne. Le rendez-vous général était indiqué à Bordj-el-Arba. Le 12 mars, les trois colonnes commencèrent, chacune de son côté, le mouvement, se réunirent le 13 au soir et arrivèrent le 15 dévant Cherchel, après avoir échangé quelques balles avec les Arabes. La ville était déserte ; il n’y restait qu’un mendiant aveugle et un idiot contrefait. Les trois journées suivantes furent employées à construire quelques ouvrages avancés, dans lesquels on planta des blockhaus, et à creuser un fossé autour du mur en pisé qui formait le corps de place. Le 19, l’expédition quitta Cherchel, dont le commandement fut confié au colonel Bedeau, et la garnison formée du 2e bataillon d’Afrique, dont le chef était alors le commandant Cavaignac. Le 21, les troupes rentrèrent dans leurs cantonnemens ; elles ramenaient une soixantaine de blessés, mais elles n’avaient à regretter que deux morts, dont un noyé au passage de la Chiffa.

Pendant que le maréchal Valée préparait l’occupation de Cherchel, un changement politique dans le gouvernement avait ramené M. Thiers au pouvoir ; depuis le 1er mars, il était pour la seconde fois président du conseil. Sa haute situation était assurément un gage de faveur pour les affaires algériennes ; cependant tous ses collègues ne paraissaient pas aussi bien disposés à leur égard. « Ce brusque changement, écrivait le duc d’Orléans au gouverneur, devait réagir naturellement sur l’Algérie. Tout fut remis en question, les hommes et les choses. On attaqua avec une ardeur, contenue par la seule influence du roi et, j’ose le dire, par mes efforts, le système que vous avez appliqué avec tant de succès et dont vous êtes le pivot, même aux yeux de ceux qui le combattent aujourd’hui. »