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Plus tard, lorsque la civilisation eut franchi les premières étapes de la barbarie, c’est encore aux exercices physiques que l’éducation fut exclusivement consacrée. La force, personnifiée par Hercule, était le véritable dieu de l’antiquité ; l’adresse et le courage complétaient, avec elle, l’ensemble des qualités nécessaires à la défense de ces petits états toujours en guerre entre eux et toujours menacés. Ces mâles vertus avaient leurs solennités dans les jeux olympiques, qui remontent au VIIIe siècle avant Jésus-Christ. Elles avaient leurs écoles dans les gymnases fondés à la même époque, et qui occupaient une grande place dans les institutions du temps. Des exercices bien compris formaient la base d’un système régulier d’éducation physique que les populations libres de la Grèce avaient porté à un haut degré de perfection. La gymnastique était militaire, athlétique ou médicale, suivant qu’il s’agissait de former des soldats, des athlètes, ou tout simplement de développer les forces et de maintenir la santé. Dans tous les cas, elle se conciliait à merveille avec le culte des arts, des lettres et de la philosophie, qui étaient alors en pleine prospérité.

Des républiques grecques, ce mode d’éducation passa aux Romains. Chez eux, les exercices physiques duraient autant que la vie active, car, à la sortie des gymnases, les jeunes citoyens, devenus soldats, les retrouvaient au champ de Mars, dans les camps des armées, où les marches, les manœuvres militaires et les grands travaux publics entretenaient leur vigueur et leur activité.

A la chute de l’empire romain, tout système régulier d’éducation disparut avec la civilisation elle-même ; mais la force musculaire conserva son empire, et les exercices physiques ne firent que se transformer. Au moyen âge, les joutes, les tournois, les champs clos avaient remplacé les jeux du cirque et les manœuvres du champ de Mars; l’équitation et l’escrime avaient succédé à la lutte, au pugilat, au jeu du disque et du javelot. Quant aux lettres, elles s’étaient réfugiées dans la solitude des cloîtres, où la patience des moines s’est exercée, pendant des siècles, à reconstituer, à traduire et à commenter les textes anciens, pour conserver aux générations de l’avenir ces trésors de l’esprit humain.

L’invention de la poudre à canon porta le premier coup à la tyrannie de la vigueur musculaire, et celle de l’imprimerie acheva de la renverser, en faisant prédominer définitivement l’esprit sur la matière, l’intelligence sur la force, l’étude sur l’exercice. Le christianisme avait depuis longtemps préparé cette transformation, en substituant sa doctrine spiritualiste au matérialisme des civilisations anciennes. Enfin, la réforme religieuse et les luttes qu’elle entraîna, la renaissance des lettres et des arts, le grand mouvement d’idées qui en fut la conséquence, imprimèrent à l’éducation une direction