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morale » du mois de mars 1887, c’est-à-dire la liste nominative des récompenses et des punitions de cette nature obtenues par les élèves ; c’est rassurant, car sur trente-quatre apprentis, huit seulement ont moins de bons points que de mauvais ; quatre n’ont même pas mérité une réprimande et cinq ont inscrit à leur avoir un total de bons points qui dépasse le chiffre de deux cents. En outre, un cinquième de la valeur du travail est attribué aux enfans dont la conduite a été convenable. Petits bénéfices, j’en conviens, mais qui, en se totalisant, peuvent former un pécule que l’on sera bien aise de trouver au jour de la sortie définitive. La somme n’est jamais considérable, mais elle n’en représente pas moins une ressource supérieure à celle que la plupart des jeunes ouvriers possèdent à Paris. Les deux derniers enfans qui, leur apprentissage terminé, ont quitté l’école après avoir appris le métier de serrurier et celui de plombier-couvreur, ont reçu, l’un 377 fr. 50 et l’autre 463 francs. Au moment de leur départ, on leur a remis, selon l’usage, un petit trousseau et une partie de leur « masse » pour acheter quelques meubles indispensables ; le surplus a été placé à la caisse d’épargne et y restera déposé jusqu’à leur majorité. Plus d’un patron dont les affaires ont prospéré a débuté plus humblement et n’a même pas en le capital que l’école industrielle réserve à ses bons élèves.

Ce système est excellent, car il est conçu de façon à produire une expérience utile. Enseigner à l’enfant qu’il n’est si médiocre économie qui, par accumulation, n’arrive à réaliser une somme importante, c’est lui apprendre la science de la vie. Un homme qui, chaque jour, mettrait dans une tire-lire les deux sous qu’il dépense au cabaret, se trouverait au bout de dix ans possesseur d’un petit capital. C’est pourquoi je voudrais qu’au lieu d’offrir aux apprentis des livres plus ou moins bien cartonnés, lors de la distribution des prix, on leur remit un livret de caisse d’épargne dont ils seraient tenus de laisser fructifier les intérêts. Ah ! si l’on pouvait fermer les débits de boisson, jeter l’absinthe à l’égoût avec les verjus, les mêlés-cassis et autres « casse-poitrine, » l’ouvrier se plaindrait moins et la fameuse revendication sociale ne pourrait plus s’agiter que dans le vide. C’est l’épargne qui a fait la fortune de la bourgeoisie parisienne, c’est « l’assommoir » qui ruine le prolétariat parisien.

On comprend que pour des enfans venus du vagabondage, de la prison et du vice, les mauvais points sont une punition platonique dont ils ne se soucient guère. On compte parmi eux des êtres ingouvernables que l’on essaie de réduire et que l’on ne chasse qu’à la dernière extrémité, car on ne renonce à les amender qu’après avoir