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décrétée. Les instituteurs sont aussi incorporés. De toutes les écoles, à part celles qui ont un caractère militaire, l’École normale seule a jusqu’à un certain point échappé. Les études scientifiques et littéraires, qui, elles aussi, préparent la grandeur d’un pays, deviendront ce qu’elles pourront : le rêve des réformateurs est provisoirement accompli, l’égalité à outrance est dans la loi !

C’est fort bien ; seulement il n’y a qu’un malheur, c’est qu’on ne donne pas ce qu’on promet ; cette égalité dont on parie sans cesse n’est qu’une hâblerie radicale, un leurre de plus. Est-ce qu’il y aura égalité entre ceux qui serviront deux ans et ceux qui ne serviront que six mois, entre les dispensés et ceux qui ne le seront pas ? Est-ce qu’il y a égalité entre ceux qui seront envoyés dans une colonie lointaine et ceux qui resteront à Paris, entre ceux qui commandent et ceux qui sont forcés d’obéir sous peine de passer en conseil de guerre ? En un mot, ainsi que le disaient si justement le général Chanzy et M. Thiers, est-ce qu’il s’agit de démocratie dans l’armée ? On a beau faire, avec des idées fausses, on n’arrive qu’à mettre l’incohérence partout, à tout confondre et à tout dénaturer. Ces dispenses mêmes qu’on a l’air de supprimer, on ne les supprime pas du tout, on les rétablit par une voie indirecte et subreptice ; mais ce qu’il y a de plus étrange, c’est qu’en les rétablissant on leur donne le caractère le plus équivoque. Jusqu’ici, les dispenses ont toujours été déûnies et consacrées par la loi ; aujourd’hui, elles seraient livrées à l’arbitraire des enquêtes locales et des conseils de revision ; elles dépendraient, selon le mot décisif et juste de M. Ribot, « des influences politiques dont on disposerait. » C’est là ce que les radicaux appellent le progrès ! Ils ont le goût de l’arbitraire dans les lois comme dans l’administration, — pourvu que l’arbitraire serve leurs passions et leurs intérêts de parti.

Le malheur est que, cet esprit de désorganisation et d’incohérence, les radicaux le portent en toute chose. Ils sont toujours prêts, sous prétexte de progrès républicain et de réformes démocratiques, à traiter arbitrairement, à la fagon révolutionnaire, les institutions les plus éprouvées, les intérêts les plus essentiels, sans s’inquiéter des résultats ; — et c’est ainsi que, ces jours derniers encore, la chambre a eu à s’occuper d’une de leurs œuvres, de ce qu’on appelle la loi sur les délégués mineurs. Elle a quelque peu voyagé, cette loi réformatrice ; elle est allée de la chambre au sénat, elle revient aujourd’hui du Luxembourg au Palais-Bourbon, où elle a été mise en pièces par un orateur à la parole vive et sensée, M. Piou, mais où elle a la fortune d’avoir l’approbation de M. Basly, le gréviste d’Anzin. En réalité, elle ne tendrait à rien moins qu’à introduire, avec la confusion, l’innovation la plus hasardeuse dans l’exploitation des mines. Elle crée de prétendus délégués, qui seraient élus par les ouvriers, qui seraient chargés de contrôler les ingénieurs et leurs travaux, aussi