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Nous en avons même deux exemplaires, qui viennent de sources diverses et sont indépendans l’un de l’autre. Le premier se trouve dans l’ouvrage de Lactance sur la Mort des persécuteurs ; l’autre traduit en grec, a été placé par Eusèbe dans son Histoire de l’église, et tous les deux ne diffèrent entre eux que par des détails insignifians. C’est donc l’un des documens de l’histoire ancienne que nous sommes le plus sûrs de posséder dans leur intégrité.

Voici comment il débute ; j’en veux traduire exactement la première partie, au risque d’ennuyer le lecteur par cette phraséologie traînante et ces répétitions de mots et d’idées[1] :

« Nous, Constantin et Licinius Augustes, nous étant rassemblés à Milan pour traiter toutes les affaires qui concernent l’intérêt et la sécurité de l’empire, nous avons pensé que, parmi les sujets qui devaient nous occuper, rien ne serait plus utile à nos peuples que de régler d’abord ce qui regarde la façon d’honorer la divinité. Nous avons résolu d’accorder aux chrétiens et à tous les autres la liberté de pratiquer la religion qu’ils préfèrent, afin que la divinité, qui réside dans le ciel, soit propice et favorable aussi bien à nous qu’à tous ceux qui vivent sous notre domination. Il nous a paru que c’était un système très bon et très raisonnable de ne refuser à aucun de nos sujets, qu’il soit chrétien ou qu’il appartienne à un autre culte, le droit de suivre la religion qui lui convient le mieux. De cette manière, la divinité suprême, que chacun de nous honorera désormais librement, pourra nous accorder sa faveur et sa bienveillance accoutumées. Il convient donc que Votre Excellence[2] sache que nous supprimons toutes les restrictions contenues dans l’édit précédent que nous vous avons envoyé au sujet des chrétiens, et qu’à partir de ce moment, nous leur permettons d’observer leur religion sans qu’ils puissent être inquiétés ou molestés d’aucune manière. Nous avons tenu à vous le faire connaître de la façon la plus précise, pour que vous n’ignoriez pas que nous laissons aux chrétiens la liberté la plus complète, la plus absolue, de pratiquer leur culte, et, puisque nous l’accordons aux chrétiens, Votre Excellence comprendra bien que les autres doivent posséder le même droit. Il est digue du siècle où nous vivons, il convient à la tranquillité dont jouit l’empire que la liberté soit complète pour tous nos sujets d’adorer le Dieu qu’ils ont choisi, et qu’aucun culte ne soit privé des honneurs qui lui sont dus. »

Viennent ensuite des prescriptions importantes, mais qui n’ont pas un caractère aussi général et ne concernent que les chrétiens.

  1. J’omets, dans cette traduction, une sorte de préambule de quelques lignes qu’Eusèbe a rapporté et qui ne se trouve pas chez Lactance.
  2. Dicatio tua, titre honorifique donné aux magistrats romains. L’édit est adressé aux gouverneurs de provinces.