Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/829

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

juge de leur utilité ; ou semble même redouter que les employés ne soient distraits de leur occupation, car une consigne tombée en désuétude depuis quelques années, et que le général Boulanger a rétablie, interdit, même aux officiers, l’entrée des bureaux de la guerre sans une permission spéciale et écrite délivrée par le cabinet. Ainsi mis à l’abri des distractions extérieures, les employés ignorent-ils l’art de s’en créer à l’intérieur, comme dans d’autres ministères ? Le public doit le croire jusqu’à ce qu’une confession véridique l’édifie sur ce point.

Le ministère de la marine est celui où la centralisation a le moins pris pied, la décision d’un très grand nombre d’affaires étant abandonnée aux préfets maritimes. La correspondance avec les amiraux amène un courant régulier d’occupations qui n’a rien d’excessif ; mais l’arrivée des courriers d’outre-mer donne lieu à ce qu’on appelle des coups de feu ; et les aventures coloniales dans lesquelles la France a été lancée laissent peu de loisir au ministre et à ses principaux auxiliaires. Au ministère des finances, les services qui se rattachent à la trésorerie ont peine à suffire à leur tâche quotidienne, et on ne saurait leur reprocher de perdre leur temps. La multiplication des paiemens à faire a suivi la même progression que les dépenses de l’état. Le développement continu de la dette publique et l’extrême dissémination des rentes, l’augmentation des pensions civiles et militaires ont accru dans d’énormes proportions le nombre des parties prenantes. On a eu beau multiplier les bureaux, la foule qui se presse devant chaque guichet se plaint de la longue attente qu’il lui faut subir. M. Faure a donc été bien mal inspiré en demandant et en faisant voter une réduction notable sur un service dont le développement, tout considérable qu’il puisse paraître, a été insuffisant pour assurer une complète satisfaction au public. Les critiques de ce député étaient d’autant moins justes que, pour accélérer les opérations sans étendre le cadre du personnel, on recourait à l’emploi de simples auxiliaires, payés au mois, qu’on pouvait licencier à volonté.

Les services qui sont en rapport direct avec le public et qui travaillent, en quelque sorte, sous ses yeux, comme aux caisses du trésor, à la caisse d’amortissement et à la caisse des retraites pour la vieillesse, n’ont point de loisirs et donnent, pour peu qu’on les surveille, toute la somme de travail qu’on peut exiger d’eux. On en peut dire autant des employés du cabinet, qui doivent se tenir continuellement à la disposition du ministre, et surtout des fonctionnaires de l’ordre supérieur avec lesquels le ministre confère. Ceux-ci sont les premiers arrivés : ils sont les derniers à quitter le ministère, et souvent ils emportent encore des dossiers, si un