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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/136

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création d’établissemens de crédit foncier nationaux corporatifs sur le modèle des Landschaften et des caisses de crédit Raiffeisen.

Instituées par un éminent philanthrope, M. Raiffeisen, bourgmestre de Neuwied, qu’on a surnommé le Schulze-Delitsch des campagnes, ces banques rurales prospèrent dans la Prusse rhénane, en Westphalie, et reposent sur cette idée très simple que le cultivateur n’a pas toujours l’emploi immédiat du produit de ses ventes ; ces sommes, il les garde souvent chez lui, où elles sommeillent au lieu de gagner de l’argent, exposant leur possesseur au vol, au crime, à la tentation du gaspillage. Ne vaut-il pas mieux qu’il en touche les intérêts, avec la certitude d’être remboursé à l’échéance ? Dans ce dessein, quelques propriétaires riches se syndiquent, auxquels les cultivateurs confient leurs fonds disponibles, moyennant un intérêt de 3 pour 100 ; ces fonds sont prêtés à 3 1/2 pour 100 aux cultivateurs qui ont besoin d’argent pour acheter du bétail et même pour construire ou acquérir des terres, ce qui devient alors du crédit foncier. Seul, le caissier teneur de livres reçoit une rétribution. Il va de soi que le rayon d’action de la société doit être fort restreint, ne pas dépasser, autant que possible, les limites de la commune, et qu’on n’admet que des gens sûrs. La caisse de crédit devient à la fois une école de comptabilité, une école de morale, une école de solidarité : elle donne au papier escompté la garantie de la solvabilité solidaire : revêtu de son aval, le papier circule, reçu aux meilleures conditions. Un certain nombre de ces caisses forment un syndicat général qui siège à Neuwied, et versent une partie de leurs fonds de réserve à une caisse centrale qui permet de parer aux éventualités. D’ailleurs, les pertes sont insignifiantes : les caisses Raiffeisen ont traversé sans crise les guerres de 1866, 1870, et n’ont pas souffert de ce danger qui consiste à prêter à long terme des dépôts qu’on peut réclamer à bref délai. Partout elles mettent fin à l’usure. Souvent dans le local même de la banque se forme un casino, où l’on s’entretient des améliorations à réaliser, où on fit des livres, des journaux agricoles. Le congrès agricole autrichien de 1873 a adopté un ordre du jour ainsi conçu : « Afin de faire pénétrer le crédit agricole personnel et réel dans les campagnes, le congrès recommande la création d’institutions de crédit reposant sur la solidarité et le self-help, et spécialement il estime que des sociétés basées sur les principes mis en pratique par Raiffeisen seraient très utilement imitées par les populations rurales de l’Autriche[1]. » Il existe en Allemagne, en Bavière, en Hongrie, d’autres banques rurales, établies d’après le type Raiffeisen ou le système de

  1. Une loi de 1884 a constitué en Autriche un fonds spécial de 10 millions par an destiné à subventionner les travaux d’amélioration agricole.