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vite, alors que l’influence de l’eau, corps relativement léger, devrait au contraire ralentir ses oscillations, c’est parce que la croûte qui supporte les mers se trouve alourdie, d’après M. Faye[1], par les actions simultanées du froid et de la compression ; d’autres auteurs ont soutenu que l’accumulation océanique provenait justement de ce fait que l’excès d’attraction inhérent à ces zones denses avait primitivement contribué à retenir le liquide.

Bouguer et La Condamine, enchantés d’avoir découvert la déviation du fil à plomb par le Chimborazo, commencèrent immédiatement à traduire en chiffres les indications fournies par l’expérience. Les résultats furent si contradictoires que les deux savans déclarèrent que de gigantesques cavernes devaient être cachées au sein des Andes, de manière à en atténuer le pouvoir attractif. L’énorme masse du Gaourisankar, ce géant de l’Himalaya, ne change pas d’une façon appréciable la direction apparente de la verticale.

Toutefois, l’hypothèse séduisante des vides ou des cavités isolées au sein de la terre et séparées du reste du monde doit être rejetée. Les nombreuses fentes, crevasses ou grottes de la superficie du globe, toutes dues à des affaissemens ou creusées par les eaux, les cheminées volcaniques, communiquent avec la surface extérieure. Jamais, à notre connaissance, les travaux des mines ou les innombrables percemens des tunnels entrepris durant ces quarante dernières années n’ont révélé l’existence de semblables trous. Lorsque les ingénieurs s’avisèrent de vouloir perforer le Mont-Cenis, les incrédules objectèrent que les ouvriers, ne tarderaient pas à se trouver arrêtés par d’effrayans abîmes. « Tant mieux ! répondit-on, nous les franchirons en viaduc, et ce sera autant de fait ! » Cette occurrence ne s’est pas réalisée, non plus qu’au Saint-Gothard ou à l’Arlberg. Voici la vraie explication, bien simple du reste, de cette apparente anomalie : au-dessous des axes de soulèvement se trouvent des couches peu denses, parce que les parties élevées, en surgissant, leur ont emprunté de la matière et les ont appauvries, tandis qu’un excès de chaleur contribue à dilater le sous-sol et la base du mont.


III

Quels sont, en définitive, les points les plus bas, les plus voisins du cœur de notre planète que l’homme ait pu explorer ? Notre réponse va sembler quelque peu singulière ; elle s’appliquera aux abîmes de l’Océan, et nous attribuerons la palme aux hydrographes qui ont immergé leurs sondes à 8 ou 9 milliers de mètres sous les

  1. Les conclusions de M. Faye ont été vivement combattues par M. de Lapparent.