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des dynasties de voleurs dont les archives de la justice n’ont point perdu le souvenir : les Piednoir, les Cœur de Roy, les Nathan ont été célèbres ; cette dernière famille, composée de quatorze personnes, avait mérité deux cent neuf années de prison. Ceux-là et d’autres que l’on pourrait nommer étaient de race juive, et l’on eût sans doute rompu toute hérédité malfaisante, si l’on eût pris les enfans, si on les eût façonnés à d’autres mœurs, si on leur avait enseigné à marcher dans la voie du bien. Ce que l’on n’a pas fait autrefois, à l’époque où la communauté israélite n’avait point acquis l’importance dont elle jouit actuellement, pourquoi ne pas le faire aujourd’hui ? Pourquoi ne pas se modeler sur l’excellente maison de Neuilly et ne pas essayer si d’un refuge pour les garçons envoyés à la correction paternelle, on ne parviendrait pas aussi à faire un simple pensionnat de jeunes garçons ? Une telle œuvre est pour tenter un homme de bien, et celui qui y attacherait son nom pourrait en être fier. Je ne puis m’empêcher de regretter que la bienfaisance israélite, si active, si généreuse, n’ait point créé une institution analogue à l’école industrielle que le protestantisme a établie à Belleville et dont l’utilité se démontre par les résultats obtenus. Lorsqu’il s’agit d’un enfant rétif et vicieux, il convient de se rappeler que, dans Gil Blas, Balthazar Velasquez dit, en parlant de son fils : « Je l’ai même fait entrer dans une maison de force et il n’en est devenu que plus méchant[1]. »

Je suis d’autant plus étonné de cet oubli de la charité d’Israël, qu’elle regarde avec sollicitude du côté de l’enfance, et qu’elle ne néglige rien pour la munir d’armes loyales en vue du combat de la vie. Elle lui a ouvert des orphelinats et des écoles de travail qui, sous bien des rapports, m’ont paru irréprochables. L’orphelinat, qui est à cette heure un établissement complet, spécialement construit et largement ouvert, a eu d’humbles débuts. J’en retrouve la première trace en 1810. Une petite fille de cinq ans restée orpheline est placée, par les soins et aux frais du comité de secours israélite, chez une femme qui se charge de la nourrir, de l’élever, de lui faire apprendre une profession utile et de la garder pendant sept années consécutives, en échange d’une pension mensuelle de 24 livres. Ce procédé de placement des orphelins dons des familles fut continué jusqu’au jour où le nombre des enfans, devenu considérable, engagea la communauté à leur consacrer une maison spéciale. Le comité avait fait un appel qui fut entendu. La famille de Rothschild répondit par un don de 200,000 francs, qui, jugé insuffisant, fut suivi d’un autre de même valeur. On s’installa rue des Rosiers, où la maison disposée pour recevoir cinquante enfans des deux sexes fut

  1. Gil Blas, liv. X, chap. XI.