Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/359

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demandez sur les sujets espagnols et catalans qui sont au service de l’empereur ; aussi ne demande-t-elle rien pour les sujets italiens et flamands qui servent actuellement le roi d’Espagne : le roi ne s’explique que pour ceux qui, étant actuellement à son service ou à celui de l’empereur, ont des biens sous la domination de l’un ou de l’autre… Je suis persuadé, monsieur, que vous ne trouverez aucune difficulté sur cela qui nous arrête… Je compte de partir demain pour être à Rastadt à l’heure qu’il vous plaira me le marquer ; après cela, monsieur, vous avez connu par ce que M. de Contades vous a laissé jusqu’où je puis aller sur le mot de droit que vous voulez changer.


Cette lettre signée, Villars ajouta de sa grosse et détestable écriture :


J’ai, en vérité, monsieur, une extrême envie d’avoir l’honneur de vous revoir.


Ce n’est que le 28 que les deux plénipotentiaires se retrouvèrent à Rastadt. Les conférences reprirent aussitôt. Elles donnèrent bien encore lieu à de vives discussions ; Villars eut encore des emportemens et des intempérances de langage, Eugène de froides et hautaines reparties ; l’un essayant de ne pas aller jusqu’au bout des concessions autorisées par le roi, l’autre se retranchant derrière les assurances données par Contades à Stuttgart. Néanmoins, l’œuvre de paix se poursuivit et ne fut plus interrompue. Tout ce que Villars put obtenir, c’est que l’amnistie fût assurée aux Flamands et aux Italiens qui avaient participé à la guerre, sans que la même faveur fût accordée aux Catalans ; — que les électeurs de Bavière et de Cologne lussent remis en possession des mobiliers, objets d’art, canons qui avaient été distraits de leurs châteaux ou résidences, — et enfin que le traité fût rédigé en français. Sur ce dernier point, Eugène la peu de résistance : quoiqu’il sût le latin mieux que Villars[1], il préférait de beaucoup l’usage de sa langue maternelle ; le formalisme germanique fut sauvé par l’adoption d’un article séparé qui stipulait que cette dérogation aux traditions de l’empire ne constituerait pas de précédent et ne pourrait être invoquée au préjudice d’aucune des parties.

  1. Villars, qui se méfiait de sa latinité, avait fait venir le recteur des Jésuites de Strasbourg pour lui venir en aide ; malgré cette assistance, fit-il dire à Eugène par Hundheïm, il ne répondait pas que la traduction du traité n’amenât de nouvelles discussions et de longs délais : il le priait de leur épargner les unes et les autres. (Eugène à l’empereur, 5 mars 1713. A. V.)