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de les faire parler. Les nabis, dont l’art souvent n’était pas beaucoup plus sérieux, jalousaient naturellement les auteurs de ces prestiges. Samuël les fit interdire par Saül. Mais l’interdiction portée contre des chimères est la marque qu’on y croit et ne fait que leur donner de l’importance auprès des esprits portés à la crédulité.

Saül était avec son armée sur les pentes des monts Gelboé, à peu près dans les anciennes positions de Gédéon. Les Philistins étaient campés vis-à-vis, à Sunem, sur le terrain que devait occuper Kléber le 16 avril 1799. Saül fut pris de mortelles hésitations. Il interrogea Iahvé, « qui ne répondit ni par des songes, ni par l’urim, ni par des prophètes. » Samuël surtout lui manquait. Samuël avait été son génie suprême. Il s’était habitué à n’agir que par lui; privé de lui, il ne pouvait plus vivre. Il voulait à tout prix le revoir. C’est alors que le malheureux entendit parler d’une nécromancienne, qui en secret pratiquait son art, tout près de là, à Endor. Il se déguisa, prit deux hommes avec lui, se rendit à Endor. La sorcière crut d’abord qu’on voulait lui tendre un piège. Elle demanda à Saül qui il voulait voir. Le roi demanda Samuël. « Pourquoi m’as-tu trompée ? dit la femme. Tu es Saül. — Ne crains rien ; dis-moi, que vois-tu ? — Je vois des élohim montant de terre. — A quoi cela ressemble-t-il? — C’est un vieillard qui monte, et il est vêtu d’un manteau. » Saül ne douta pas que ce ne fût Samuël. « Pourquoi, lui dit l’ombre, es-tu venu me troubler pour me faire monter de la sorte? — Je suis dans la détresse, répondit Saül ; les Philistins me font la guerre; Dieu s’est retiré de moi et ne me répond plus, ni par les prophètes ni par les songes; et je t’ai appelé pour que tu m’apprennes ce que je dois faire, » Ce récit nous a été gardé par le narrateur théocrate, qui naturellement fait ensuite parler Samuël de la manière qui répond à ses idées sur la destitution de Saül.

Les faits ne répondirent que trop à ces pressentimens. Les Philistins remportèrent une complète victoire. Trois fils de Saül, Jonathas, Milkisua et Abinadab, tombèrent. Saül lui-même fut percé d’une flèche. Il craignit les outrages de ses ennemis et demanda à son écuyer de l’achever; celui-ci n’osa. Saül alors se tua en se jetant sur la pointe de son épée.

Les monts Gelboé étaient jonchés de morts. Parmi les cadavres, les vainqueurs trouvèrent ceux de Saül et de ses trois fils. Ils leur coupèrent la tête, prirent leurs armes et les exposèrent dans les Astartéïa du pays philistin. Quant aux cadavres, ils les attachèrent au mur de Beth-Séan, près de là. Mais les gens de Jabès en Galaad, que Saül avait sauvés autrefois, vinrent de nuit, détachèrent les cadavres du mur et les emportèrent à Jabès. Là, ils les brûlèrent; ils ensevelirent les ossemens sous le tamaris de Jabès ; puis