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au travers de jardins, de maisons de campagne et de plantations. Au point le plus proche, juste à l’est de la ville, se trouve le petit, mais célèbre Pont des caravanes, à proximité du quartier arménien. On peut donc penser, ce qui est d’accord avec l’histoire, que les négocians arméniens recevaient les caravanes de l’Asie au point extrême de leur route et en transmettaient les denrées aux négocians grecs qui tenaient la mer. Le quartier juif est dans la partie sud de la ville, et plus au sud encore est le quartier turc, protégé par le mont Pagos et ses fortifications. Outre ses mosquées, le quartier turc comprend l’imprimerie ottomane, le champ de manœuvres, la caserne d’infanterie, la municipalité, c’est-à-dire l’administration et la force armée ; une seconde caserne est à l’extrémité opposée de la ville, au nord du quartier franc. Quant à la banque ottomane et au tribunal de commerce, ils sont vers le milieu des quais, à peu de distance du rivage et à la portée des négocians. Un Européen qui voudrait se créer des relations d’affaires avec Smyrne pourrait y descendre en quelque sorte les yeux fermés : il négligerait toute la partie sud de la ville qui se développe à sa droite, et pénétrerait, en marchant devant lui, dans les quartiers franc, grec et arménien, où la majeure partie du commerce de l’Asie occidentale vient aboutir. Les Juifs, qui sont vers la droite, sont de petits revendeurs, des brocanteurs ou des marchands de curiosités; les Turcs, plus à droite encore, habitent des rues désertes et silencieuses.

Le mouvement d’affaires dans le Levant se compose, comme en tout autre pays, des objets importés du dehors et des produits locaux consommés sur place ou exportés, auxquels il faut ajouter ceux qui ne font que passer en transit. Le manque de grandes industries fait importer en Asie-Mineure une énorme quantité d’objets de toute sorte provenant des manufactures européennes. Le grand développement de la marine à vapeur a permis de distribuer ces produits entre un certain nombre de ports, qui auparavant les recevaient par des bateaux à voiles venant de Smyrne. Cette dernière n’a pourtant rien perdu de son importance, parce que, dans le même temps, la consommation a toujours devancé l’approvisionnement, les commandes ont précédé les fournitures. Cet état de choses a amené dans les ports de l’Anatolie, et surtout à Smyrne, un assez grand nombre de négocians européens ou grecs en relation avec les producteurs d’Occident. On a vu se créer, ou s’étendre, ou du moins se régulariser, de nombreux services de navigation à vapeur pour toutes les régions du globe. La ville centrale, Smyrne, n’a plus été seulement le point de départ ou d’arrivée pour les caravanes de l’intérieur. Ses nouveaux quais, pris sur la mer avec