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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/131

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établi rendent les socialistes plus circonspects. Aussi bien le calme apparent et le ton modéré des députés socialistes au Reichstag ne doivent pas donner le change sur le progrès des doctrines révolutionnaires et sur leur influence croissante au sein des masses ouvrières. Les élections parlementaires, avec le nombre de plus en plus élevé des suffrages réunis par les candidats socialistes, sont un indice dont il faut tenir compte, et qui rend témoignage de l’élévation rapide des forces du socialisme, menaçant l’avenir politique de l’Allemagne de perturbations graves, en raison des progrès de la population[1].


I

En présence du fait que près d’un million de citoyens élisent des mandataires pour réformer l’organisation de la société contemporaine, personne ne demandera plus s’il y a une question sociale. Cette question est posée définitivement, et les moyens proposés pour la résoudre préoccupent à juste titre les hommes d’état au pouvoir. Le socialisme passe, sous nos yeux, de l’état spéculatif dans le domaine des applications pratiques. Une nouvelle organisation du travail, poursuivie avec le concours du gouvernement établi, tel est le programme parlementaire actuel des députés démocrates-socialistes. Réforme toute pacifique, sollicitée par voie légale, sans violence, sans porter atteinte à la propriété acquise, les propositions à l’ordre du jour visent le code industriel qui règle les rapports entre ouvriers et patrons. Actuellement ces rapports sont réglés par la Gewerbeordnung, introduite dans l’Allemagne du nord en 1868 et appliquée depuis à tout l’empire allemand, sauf l’Alsace-Lorraine. Dans un projet d’initiative soumis au Reichstag, le 19 novembre 1885, les députés socialistes réclament l’institution de chambres ouvrières, d’offices du travail et de tribunaux d’arbitrages professionnels. Après avoir été discuté attentivement dans le cours de la dernière session, ce projet de loi a été renvoyé à l’examen d’une commission spéciale. Le rapport conclut au rejet des propositions socialistes, mais en reconnaissant le bien-fondé de plusieurs d’entre elles. Mieux, une nouvelle commission, nommée depuis l’ouverture de la session actuelle du parlement, s’occupe d’introduire dans la Gewerbeordnung une partie des modifications proposées par les députés socialistes et dont l’application paraît réalisable.

  1. Sur la population de l’empire allemand, voyez la Revue du 1er et du 15 janvier 1885.