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POESIE

A UNE PIECE D'OR


D’une somme hier dissipée
Il me reste une pièce encor.
Elle est brillante et bien frappée ;
C’est un vieux napoléon d’or.

Pris d’une tristesse soudaine,
Je vois luire, au creux de ma main,
Le front lauré du capitaine
Et son fier visage romain.

Je deviens pensif et je songe,
O fragment des pesans lingots !
Que c’est ton éternel mensonge
Qui fait les hommes inégaux.

Car, si la haine entre eux persiste,
C’est par ton attrait spécieux ;
Car tu rends le riche égoïste,
Car tu rends le pauvre envieux ;

Car le talent d’or et l’obole
Font seuls les petits et les grands.
Sur leur métal, comme un symbole,
Sont gravés les traits des tyrans.