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de Tlemcen, s’y rendit avec le colonel Tempoure et le marabout Mohammed-ben-Abdallah, qui, de la dignité de sultan, descendit au rang de khalifa, mais avec un traitement de 18,000 francs qui releva pour un certain temps son prestige. Ce fut au général d’Arbouville que fut confiée la succession de Bedeau à Mostaganem.

Sous les murs d’Oran, le général Bugeaud trouva, le 20 février, les grands des Gharaba, qui lui firent ce compliment, auquel il fut particulièrement sensible : « Nous avons été tes ennemis les plus acharnés, nous serons tes amis les plus fidèles. Quand tu l’ordonneras, nous marcherons avec toi, nous brûlerons de la poudre et nous saurons mourir, s’il le faut. Nous demandons à faire partie du maghzen d’Oran, sous les ordres du général Moustafa. » La faveur qu’ils sollicitaient leur fut accordée comme une grâce; de ce fait, le maghzen d’Oran se trouva porté à l’effectif respectable de 1,700 ou 1,800 cavaliers, les meilleurs de la province; celui de Mostaganem en comptait à peu près 1,200. Quelques jours après, le général Bugeaud rentrait à Alger, justement fier de son œuvre. Du triangle stratégique dont Mascara, Mostaganem et Tlemcen occupaient les sommets, la suprématie française allait s’épandre et s’étendre progressivement au dehors.

Le retour du gouverneur dénoua enfin l’imbroglio dont l’envoi du général de Rumigny avait été la cause. « Par égard pour un aide-de-camp du roi, écrivait-il, le 25 février, au maréchal Soult, et par sentiment de bon camarade, je vais lui faire faire un ravitaillement de Médéa, après quoi il est convenu qu’il ira reprendre son poste près de Sa Majesté. » Ainsi fut fait; Médéa fut ravitaillé, le 6 mars, par l’honorable général, qui tout de suite après rentra en France. Quant à Baraguey d’Hilliers, il y rentra aussi, quoique le gouverneur, toujours bien disposé à son égard, lui eût fait retirer sa demande de rappel; et comme il ne voulut témoigner, ni devant le maréchal Soult, ni devant le prince royal, ni devant le roi même, le moindre regret de l’attitude insubordonnée qu’il avait prise et gardée vis-à-vis du général de Rumigny, le ministre de la guerre prononça sa mise en disponibilité.


II.

Revenons à Mascara, d’où La Moricière étendait de plus en plus l’aire de ses opérations. Le 2 février, il allait à huit lieues châtier les Hachem-Cheraga, qui s’étaient jetés sur les Bordjia de la plaine récemment soumis; le 4, guidé par des déserteurs de Ben-Tami, c’était au sud qu’il marchait vers les gorges d’Ankroui, où le khalifa gardait son dépôt de munitions ; retardée par le mauvais temps,