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dérivées du culte que les Japonais rendent aux esprits invisibles, et les formules mêmes de ce culte sont évidemment empruntées à la langue asiatique.

Le chiffre de la population ne dépasse pas 28,000, dont 18,000 de race noire et 10,000 de race cuivrée. Par suite des croisemens fréquens, la distinction entre ces deux races tend à disparaître.

Entrevu en 1526 et 1528 par don Diego da Rocha navigateur portugais, reconnu en 1542 par Ruy Lopez de Villalobos, chargé par Mendoza vice-roi du Mexique, de visiter les îles à l’ouest de l’Amérique, l’archipel des Carolines reçut, en 1686, son nom actuel de Francesco Lazeano, célèbre marin espagnol, qui le baptisa ainsi en l’honneur du fils de Philippe IV et de Marie-Anne d’Autriche, Charles II, depuis roi d’Espagne. Vers 1721, des pères jésuites du collège de Manille y firent un court séjour et publièrent les premiers renseignemens sur ces iles et leurs habitans. Ils dressèrent aussi des cartes de leur situation géographique; mais ces cartes fourmillent d’erreurs et c’est au capitaine russe Lütke depuis amiral, que l’on est redevable d’indications exactes et précises. Ainsi que Vancouver aux iles Sandwich, l’amiral Lülke a laissé aux Carolines la réputation méritée d’un bienfaiteur.

L’on n’a pas oublié qu’il y a deux ans à peine, l’occupation de l’île Yap, l’une des plus importantes de ce groupe, faillit amener entre l’Espagne et l’Allemagne un conflit qui, déféré à l’arbitrage du saint-siège, se termina par une décision en faveur de l’Espagne. Tous les droits étaient de son côté, mais on ne saurait toutefois se dissimuler qu’elle avait singulièrement négligé ses devoirs en s’abstenant de notifier sa prise de possession d’un archipel découvert par elle et d’y créer un établissement. Réveillée de sa torpeur par cette alerte, elle s’est empressée de réparer sa faute, et cet incident a amené, entre l’Angleterre et elle, un rapprochement inattendu. L’entrée en scène dans le Pacifique, de l’Allemagne maritime et commerçante, s’emparant brusquement d’une partie de la Nouvelle-Guinée, de l’archipel de Bismarck et de la Nouvelle-Irlande, portant une main hardie sur les Carolines, réclamant l’archipel des Marshall, celui de Samoa, le groupe des Salomon, les îles des Amis, était en effet de nature à éveiller toutes les appréhensions.

Nous avons relaté dans un précédent article[1] les craintes conçues en Australie, les réclamations des colons anglais, leurs menaces et leurs rêves. Les conventions intervenues entre l’Allemagne et l’Angleterre n’ont pas résolu, mais ajourné la question ; si elles n’accordent pas à l’Allemagne tout ce à quoi elle prétendait, elles consacrent ses prises de possession dans une grande mesure, laissant

  1. Voir la Revue du 15 août 1887.