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d’un des règlemens permanens de la chambre, qui spécifie qu’elle n’acceptera et n’examinera aucune proposition de dépense « autrement que sur la recommandation de la couronne. » Ce règlement reconnaît donc au gouvernement le droit exclusif de proposer une dépense ; et bien qu’il date de 1706, il est encore rigoureusement observé ; tous les hommes d’état anglais ont veillé soigneusement au maintien d’une règle qu’ils considèrent comme une des plus précieuses garanties du bon ordre des finances. Aussi, point de surprises, point d’entraînemens, point de coalitions entre députés intéressés à l’accroissement d’un crédit, point de connivences entre un ministre et une commission du budget pour forcer la main au ministre des finances, point d’amendemens Philippotaux venant ajouter 14 millions aux dépenses et rompre l’équilibre du budget. L’économie de la loi de finance ne peut être bouleversée, comme en France, par les improvisations législatives : elle demeure ce qu’elle doit être, l’œuvre du gouvernement, qui en a la responsabilité.

Soumettre l’exercice des droits de la chambre en matière de budget à des règles analogues à celles qui sont observées en Angleterre ou en Italie, serait-ce porter atteinte à ses prérogatives ? Loin de vouloir affaiblir le contrôle des représentans du pays sur les dépenses publiques, nous voudrions au contraire le fortifier et le rendre effectif. Actuellement, il est plus apparent que réel, et rien n’est plus facile que de s’y soustraire. Le ministre qui veut échapper, pour une dépense, à la nécessité d’avoir l’autorisation du parlement, se fait ouvrir par décret un crédit extraordinaire. Quand la chambre est appelée à se prononcer, à la session suivante, la dépense est faite, le crédit absorbé, et il n’y a plus moyen de revenir sur le fait accompli. Les ministres ne se conforment même pas toujours à la règle de la spécialité des crédits, et l’on a vu un ministre de la marine, l’amiral Aube, appliquer jusqu’à 30 millions à une dépense autre que celle pour laquelle ils avaient été votés. La chambre n’a aucun moyen de porter remède à ces abus, qui deviennent de plus en plus fréquens.

Cette impuissance tient à la trop longue durée de l’exercice financier, qu’il y aurait grand avantage à raccourcir. En Italie et en Angleterre, les comptes d’une année sont arrêtés, en recettes et en dépenses, le dernier jour du douzième mois : les recettes non encore rentrées sont considérées comme des créances de l’état, et les paiemens non encore effectués, comme des dettes, et on repart à nouveau. Notre administration, sans qu’on aperçoive aucun avantage sérieux à cette pratique, tient à faire figurer dans les comptes d’une année toutes les rentrées et toutes les dépenses qui ont leur