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organique. La danse en rond, le volant, le cerceau surtout, sont au contraire à encourager. Il en est de même du sabot, que les petites filles font aujourd’hui tourner avec tant d’entrain sur toutes les promenades publiques. C’est un jeu d’adresse et d’agilité tout à la fois, et c’est plaisir de voir la grâce avec laquelle elles le font pirouetter, en le frappant vigoureusement avec leur petit fouet de peau d’anguille.

De pareilles récréations n’ont qu’un temps et ne conviennent qu’à l’enfance. Lorsque les jeunes filles approchent de la puberté, on ne peut plus les laisser jouer sur les promenades publiques, et cependant c’est le moment où elles ont le plus besoin de vivre au grand air et d’y faire de l’exercice. Cette transformation physiologique s’accomplit rarement sans amener des perturbations dans l’organisme. Elles sont d’autant plus sérieuses que la jeune fille est plus délicate et a été élevée avec plus de ménagemens et de soin. Cette disposition maladive dont elles ne se rendent pas compte, et qu’elles ont beaucoup de peine à dominer, réagit sur leur moral et sur leur intelligence. Elle leur inspire des caprices, des répugnances, quelquefois des aversions inexplicables. Tantôt c’est une apathie, une indolence-qui leur rend tout travail pénible; tantôt, au contraire, une agitation, un besoin de mouvement, une irritabilité qui contraste avec la douceur de caractère qu’elles avaient montrée jusque alors. C’est aussi le moment où les spasmes, les vapeurs apparaissent ; c’est enfin l’âge où éclatent les grandes névroses quand elles y sont prédisposées.

Ce moment est véritablement critique pour les mères comme pour les institutrices. Elles ont alors deux écueils à éviter ; celui de brusquer ces pauvres créatures souffrantes et d’exaspérer leur état; celui de les trop abandonner à elles-mêmes et de laisser se développer chez elles des défauts qu’il sera très difficile de corriger plus tard. Il faut alors redoubler à leur égard de douceur, de tendresse et de fermeté; faire appel à leur raison, à leur bon cœur, à leur amour-propre pour les aider à vaincre leur apathie, leur tendance à l’irritation, à la colère, à l’injustice. C’est aussi le moment où il faut s’occuper avec le plus de soin de leur santé.

La promenade, la vie au grand air, l’habitation à la campagne, sont des ressources précieuses lorsqu’on peut y recourir. Elles procurent aux jeunes filles le calme, l’appétit régulier et le long sommeil qui leur fait souvent défaut à la ville; mais encore faut-il qu’elles consentent à en user. La villégiature est sans attraits pour la plupart d’entre elles ; c’est un goût qui ne s’éveille d’habitude que plus tard. Lorsqu’on les abandonne à elles-mêmes, elles ont de la tendance à mener à la campagne