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intellectuel seulement. Sept heures sont consacrées à la toilette, à la prière, aux repas, aux récréations et aux arts d’agrément. Il n’y aurait assurément pas là de quoi les fatiguer, si on respectait la règle; mais on a été conduit à l’enfreindre, depuis que les programmes des lycées de filles et la manie des brevets ont fait leur entrée dans les maisons de la Légion d’honneur. Les élèves qui se préparent aux examens sont forcées de prendre, sur les heures de récréation, le temps qu’exige ce supplément d’instruction. Aussi, à l’heure du repos, on ne voit, sur la grande pelouse de Saint-Denis, que les plus petites filles ; les grandes sont au cours ou à l’étude. Il faut convenir, toutefois, que leur santé ne paraît pas s’en ressentir. Elles ont toutes bonne apparence, et, lorsque j’ai visité ces maisons, les infirmeries étaient à peu près vides. Quant à la mortalité, il n’y a pas à en parler. En dehors des petites épidémies, dont aucun établissement de ce genre n’est exempt et qui s’observent quelquefois à Saint-Denis, rien n’est plus rare qu’un décès parmi les jeunes filles de ces écoles. Ce sont, en somme, d’excellentes maisons d’éducation, auxquelles on ne peut reprocher que d’avoir cédé trop facilement aux entraînemens de la pédagogie moderne, et d’avoir perdu de vue les vieilles et sages traditions de Napoléon Ier et de Mme Campan. Aussi, lorsqu’on a appris, dans les familles de militaires et de marins, que la commission du budget proposait de les supprimer et de les remplacer par des bourses dans les lycées de filles, cette nouvelle y a produit une véritable consternation. Elles espèrent aujourd’hui que les chambres refuseront de s’associer à cette mauvaise pensée et qu’elles ne consacreront pas, par leurs votes, une mesure que les légionnaires considéreraient comme une spoliation.

L’impression qui se dégage de la visite de tous ces établissemens, de l’étude de tous ces programmes, est parfaitement nette pour les personnes qui n’ont ni préventions ni parti-pris. C’est que l’éducation des filles réclame, comme celle des garçons, une réforme radicale. Dans l’une comme dans l’autre, la santé et le développement physique des enfans ont été sacrifiés à une instruction de mauvais aloi et à la conquête de brevets inutiles. On a fait, depuis quinze ans, des efforts considérables pour perfectionner l’enseignement, pour porter au même niveau l’instruction des deux sexes ; mais, en consacrant ainsi leur égalité, au point de vue moral et intellectuel, on a complètement oublié qu’ils n’avaient ni les mêmes aptitudes ni la même mission. On leur a imposé des programmes aussi touffus et des diplômes équivalens. Il en est résulté, pour celles qui ont voulu prendre les examens au sérieux, une fatigue que le sexe féminin supporte encore plus difficilement que