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LÉON FAUCHER
ET
SA CORRESPONDANCE

Dans sa séance du 18 juin 1851, l’assemblée législative discutait un projet de loi présenté par le ministre de l’intérieur, qui s’appelait M. Léon Faucher. Un député de l’extrême gauche, un montagnard, comme on disait alors, prononça un discours violent, et le ministre commença sa réponse en ces termes : « Je ne viens pas répondre, je viens protester. Je prends au sérieux, malgré l’étrangeté de la forme, l’abominable discours que vous venez d’entendre. » Aussitôt toute la Montagne se lève en tumulte et le rappelle à l’ordre. On se précipite au pied de la tribune, on interpelle, on apostrophe l’insolent, on lui montre le poing : « Il n’y a d’abominable, lui crie-t-on, que vos exécrables sentimens. » La droite, à son tour, s’élance dans l’hémicycle et cherche à couvrir les cris par ses bravos ; le général Changarnier se fait remarquer entre tous par la vivacité de ses gestes et de ses applaudissemens. La séance est interrompue pendant dix minutes. Enfin le ministre réussit à se faire entendre, et, se souvenant d’une parole célèbre : « Vos injures, répliqua-t-il aux montagnards, ne s’élèveront jamais à la hauteur de mon dédain… Je ne suis pas ici pour ma propre cause ; j’ai l’honneur de représenter le gouvernement, je crois être l’organe de la majorité, et je suis certain de défendre la société. Cela me donnera la force de remplir mon devoir jusqu’au bout. » Ce n’était pas la première fois que son attitude hautaine et son éloquence agressive provoquaient