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« oiseaux? » Dans l’œuvre de Victor Hugo, comme dans celle de tous les poètes, il y a les métaphores de la langue ou du jargon poétique de son temps, et il y a celles qui n’appartiennent qu’à lui. Par quelle fatalité, ennemie de son propre dessein, M. Georges Duval n’a-t-il glané que les premières?

Enfin, et dans un Dictionnaire de ce genre, — mais c’était affaire au préfacier plutôt qu’à l’auteur, — ayant montré de quel? objets Hugo tirait le plus volontiers ou le plus habituellement ses métaphores, et quelles préoccupations inconscientes ce choix même trahissait en lui, n’eût-on pas aimé voir aussi comment il les en tirait, je veux dire par quels procédés; et après la part du « tempérament, » dans son œuvre et dans son art, quelle est celle aussi de la « volonté? » Elle fut grande, en effet, et lui-même l’a merveilleusement définie :


Il n’est pas de brouillards, comme il n’est point d’algèbres,
Qui résistent, au fond des nombres ou des deux,
A la fixité calme et profonde des yeux.
Je regardais ce mur d’abord confus et vague,
Où la forme semblait flotter comme une vague,
Où tout semblait vapeur, vertige, illusion,
Et sous mon œil pensif, l’étrange vision
Devenait moins brumeuse et plus claire, à mesure
Que ma prunelle était moins troublée et plus sûre.



C’est ce que l’on pourrait appeler la théorie même de l’hallucination
provoquée. Sous la fixité voulue de son regard, les objets se déformant et les proportions s’en altèrent; ils prennent insensiblement
les contours et les couleurs du rêve; son œil les magnétise, et, en
les magnétisant, les anime d’une autre vie que la leur c’est encore eux
et ce n’est plus eux,


<poem>L’affreux ventre devient un globe lumineux ;


des «végétations extraordinaires,» des « animalités étranges,» des « lividités terribles ou souriantes » surgissent, se précisent et s’achèvent. Hors du temps, comme il dit encore, et par-delà le réel, dans le domaine illimité du possible, « continuation occulte de la nature infinie, « le poète se crée un nouveau monde. Et, chose merveilleuse! il le voit; son œil,, sans en être troublé, suit ces métamorphoses; dans cet enchevêtrement de formes qui n’apparaissent que pour s’évanouir, il conserve toute la lucidité, la netteté, la sûreté de sa vision. De tous les dons d’Hugo, celui-ci n’est pas le moins extraordinaire ; — comparez, pour vous en convaincre, quelques pièces de la Légende des siècles à la Chute d’un ange: — Et comme ce grand poète n’a pas moins