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du premier coup, avant même d’aborder le budget, il a donné la mesure de l’énergie de ses résolutions au sujet du conseil municipal de Paris, dont il ne pouvait éviter de s’occuper. lia naïvement trahi sa faiblesse, et dans l’interpellation à laquelle il a eu à répondre, et à l’occasion de la loi qu’il a cru devoir présenter pour loger M. le préfet de la Seine à l’Hôtel de Ville.

Le ministère aurait pu tout prévenir, ce n’est pas douteux, en prenant dès le premier moment, sans bruit et sans ostentation, une initiative tranquillement résolue, qui n’aurait rencontré qu’une résistance d’apparat. Il le pouvait d’autant mieux qu’il avait pour lui et les lois anciennes, et les traditions, et les conditions spéciales de Paris, et un récent arrêt du conseil d’état fixant la légalité de l’établissement de M. le préfet de la Seine à l’Hôtel de Ville. Il avait tout pour lui, sans parler des raisons décisives que le conseil municipal avait données d’agir à son égard sans faiblesse. Il n’a fait que compliquer la question, en laissant trop voir ses perplexités et ses incertitudes dans ses paroles comme dans ses actions. Mon Dieu ! les membres du gouvernement, M. le ministre de l’intérieur Sarrien et M. le président du conseil conviendront, si l’on veut, de tout ce qu’on pourra dire ; ils avoueront que le conseil municipal commet à tout instant des « actes excessifs et injustifiables, » que, s’il n’a pas été un insurgé, il a du moins voulu exercer une pression illégale sur les pouvoirs publics, qu’il oublie trop souvent son rôle de simple assemblée locale; ils reconnaîtront aussi qu’ils ont tous les droits possibles d’établir M. le préfet de la Seine là où il doit être. Oui, sans doute; mais, en même temps, le ministère semble reculer devant le conseil municipal en ajournant toute résolution; il semble infirmer lui-même son droit en demandant le secours d’une loi nouvelle, et il s’est trouvé ainsi pris entre deux feux. — « Puisque vous reconnaissez votre droit, lui a dit M. Waldeck-Rousseau, votre devoir est de le faire respecter... Vous n’avez pas besoin d’une loi nouvelle... Les lois ne vieillissent pas, elles ne s’affaiblissent qu’autant que s’affaiblit la main chargée de les défendre... » — Votre loi est une provocation, lui a dit à peu près M. Goblet; voyez où vous allez, vous allez aux ennemis de la république, à la droite et aux opportunistes, qui veulent s’allier avec la droite. — Là-dessus M. le président du conseil s’est quelque peu emporté; il a protesté qu’il n’avait aucune alliance avec la droite, qu’il ne voulait gouverner qu’avec les républicains, qu’il était un vieux républicain! Il a même depuis repris ce thème un peu usé et un peu déclamatoire dans la discussion du budget en parlant eu vieux républicain des bienfaits dont la république a couvert la France, du funeste héritage des monarchies! Et après? M. Tirard est un vieux républicain, c’est entendu; mais cela ne fait rien à l’affaire. Cela ne prouve pas que la loi nouvelle qu’il a proposée, et qui n’est