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Jusuf, commandant intérimaire du Titteri, l’ordre d’organiser sans retard à Médéa une colonne composée de spahis et de chasseurs d’Afrique choisis dans tous les escadrons, et de 700 hommes du 33e de ligne montés à mulet. La mission du colonel était de détruire ou d’enlever toutes les récoltes, d’étendre les relations du commandement français avec les grandes tribus des Hauts-Plateaux et du Sahara, Larba, Laghouati, Ouled-Nayl ; enfin d’atteindre les populations émigrantes, les khalilas de l’émir et l’émir lui-même, s’il était possible.

Ce fut à Boghar que Jusuf assembla les élémens de sa colonne. « J’avais mis, a-t-il dit dans son rapport, l’installation du soldat sur son mulet au concours, et l’on m’amena bientôt, de chez les zouaves et du 33e, deux cavaliers-fantassins modèles dont le bon équipement ne me laissait que l’embarras du choix. Voici celui auquel je m’arrêtai : le licol servant de bride avec le mors en bois: le bât auquel on avait adapté des cordes avec de petites planchettes servant d’étriers. Chaque homme était muni de douze jours de vivres, quatre jours d’orge, deux jours de bois, et d’une outre de douze litres. Les vivres d’un côté, dans la grande besace, l’orge et l’eau de l’autre, formaient l’équilibre. » Les sonneries et les commandemens se faisaient comme dans la cavalerie. Les hommes se comptaient par trois dans chaque peloton et dans chaque rang. S’il fallait combattre, les numéros 1 et 3 sautaient à terre avec leurs fusils et le numéro 2 gardait les mulets. En cas d’urgence, quatre hommes par compagnie entravaient les animaux, et le tiers en réserve rejoignait les camarades. Les soldats étaient enchantés; la nouveauté de l’allure les mettait en joie.

La colonne, plus nombreuse en infanterie qu’il n’avait été indiqué d’abord, comptait 1,028 fantassins des zouaves et du 33e, 500 chasseurs d’Afrique et spahis, une section d’artillerie de montagne, un peloton de sapeurs, une section d’ambulance; pas un homme ne marchait à pied. Il y avait à la suite 800 chameaux portant les vivres de réserve pour quinze jours, et 2,000 Arabes des goums escortant un autre convoi de chameaux.

Ainsi constituée, le 25 juillet, la colonne partit de Boghar le 28, et fit une première étape de 18 lieues tout d’une traite. Les tribus du Sersou, que Jusuf voulait surprendre, furent en effet surprises et très effrayées ; deux seulement refusèrent de faire leur soumission comme les autres ; mais, avant d’avoir pu se dérober, elles furent atteintes, après une course de 12 lieues dans la nuit du 3 au à août, perdirent leurs troupeaux et furent contraintes à donner des otages. Ne trouvant plus personne à combattre sur le Nahr-Ouassel, Jusuf s’approcha de Tiaret pour se mettre à la disposition de La Moricière et laisser entre ses mains sa capture ; mais celui-ci,