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qu’il avait à Berlin pour le détourner de ce dessein ; M. de Kalkreuth se jeta presque à ses pieds, le suppliant d’attendre en sûreté un temps meilleur[1]. Philippe de Custine ne se laissa séduire par aucune subtilité de conscience. En juin 1792, il repartit paisiblement pour Paris, où l’échafaud l’attendait.

Les affaires étaient dans un tel désordre, que, renonçant à la politique et écoutant son patriotisme, il se rendit aussitôt à l’armée du Rhin, où son père commandait. Une lettre de Pache donne l’ordre au général Custine d’employer son fils dans son ancien grade d’adjudant-général[2]

La constituante ayant commis la lourde faute d’édicter, à la presque unanimité, la non-rééligibilité de tous ses membres, le général de Custine, dès la déclaration de guerre, avait repris du service. Lieutenant-général depuis le 6 octobre 1791, il comptait, en donnant des gages aux partis avancés, obtenir un grand commandement. Sa moustache épaisse, son air martial, ses façons brusques et familières l’avaient rendu populaire. Il possédait de sérieuses connaissances, et il y joignait une précieuse activité ; mais il avait gardé l’emportement de la jeunesse, et l’ardeur de son tempérament pouvait l’entraîner à toutes les imprudences.

Il commanda d’abord, sous les ordres de Biron, l’avant-garde de l’armée du Rhin. De fructueux et rapides succès avaient enivré de joie la Convention ; le lieutenant de Biron reçut le brevet de général en chef, avec l’ordre d’agir sur les derrières de l’armée autrichienne ; mais quand arriva la dépêche, Custine était déjà sur la route de Mayence. On sait comment, sur une simple sommation, Mayence fut livrée ; comment, ne tenant aucun compte des avis des autres généraux, qui voulaient qu’il s’avançât sur Coblentz par la rive gauche, Custine se dirigea vers la Franconie, s’empara de Kœnigstein et de Francfort. Les fautes commençaient ; notre but n’est pas de les raconter, ni de montrer comment il abandonna ses premières conquêtes.

Custine réussit néanmoins à s’excuser auprès des jacobins, en rejetant sur d’autres les responsabilités ; l’attitude loyale qu’il avait prise au moment où il fut instruit de la trahison de Dumouriez lui assurait la confiance de la Convention. D’ailleurs, le coup d’état du 31 mai n’avait pas encore éloigné de cette assemblée le parti modéré. Dans ces circonstances, la mort de Dampierre laisse vacant le commandement de la plus importante des armées de la république. Les représentans en mission à l’armée du Nord firent connaître au comité de salut public le vœu unanime des troupes

  1. La Russie en 1859, par A. de Custine, lettre II.
  2. Archives nationales. Procès de Custine fils.