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socialiste, est appliquée dans toute sa rigueur. Votée d’abord pour une durée de trois années, elle a dû être prorogée à plusieurs reprises, sans arrêter le mouvement ouvrier. Bien au contraire, l’action des socialistes s’étend davantage de jour en jour et le nombre de leurs partisans s’accroît dans une proportion supérieures l’augmentation générale de la population en Allemagne. Berlin, Hambourg, Leipzig, Francfort, Altona, Harbourg, Potsdam, Hanau, avec les districts avoisinans, sont soumis au régime du petit état de siège. Des centaines et des centaines de personnes ont été expulsées de ces différens centres sous la prévention de menées révolutionnaires. Loin de diminuer, sous l’effet de ces mesures, l’agitation gagne en puissance, quoique invisible autrement que dans les résultats des élections législatives. Les débats du Reichstag sur les rapports annuels, relatifs aux mesures prises en vertu de la loi d’exception, permettent aussi de suivre le mouvement.

C’est un fait incontestable, l’interdiction des réunions du parti ouvrier socialiste, reconstitué sur la base du programme de Gotha, encore debout, a eu pour conséquence de développer les forces de ce parti. Le fruit défendu exerce, toujours et partout, le même attrait sur les hommes, quels qu’ils soient. Seulement, l’organisation du parti démocrate-socialiste, au lieu de se montrer, comme autrefois, au grand jour, s’accomplit maintenant dans le secret. Avant les mesures de répression, un bureau directeur, élu régulièrement, rendait compte aux assemblées générales annuelles de la marche de l’œuvre et de l’emploi de ses ressources. Les ressources consistaient dans les cotisations volontaires des membres de l’association. Les moyens d’action étaient la propagande de l’idée socialiste par la presse et, par des agens spéciaux. Pour avancer l’œuvre de propagande et pour conduire l’agitation, l’Allemagne avait été partagée en un certain nombre de districts. Dans chacun de ces districts, le bureau directeur entretenait un agent salarié chargé de faire des tournées dans son ressort, avec la mission de gagner les ouvriers à sa cause et de préparer les élections pour le Reichstag. A côté des agitateurs à traitement fixe, d’autres agens secondaires, touchant des subventions mensuelles, avaient pour tâche de préparer les réunions lors du passage des agitateurs principaux. Chaque district avait aussi son organe de publicité rédigé par des écrivains, à la disposition du comité directeur, et rémunérés sur les fonds du parti. Les chefs-lieux des districts d’agitation étaient choisis de manière à gagner à la cause du socialisme toutes les parties du pays où l’idée trouvait un terrain propice, en commençant naturellement par les centres industriels. Aux agens salariés, il faut ajouter un plus grand nombre d’agitateurs indépendans, orateurs de circonstance, ouvriers