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de supprimer la misère dans le monde par l’organisation de l’état communiste l’engagea à mettre à profit l’influence de son ami sur les ouvriers saxons pour les entraîner dans la propagande qui a abouti au programme de Gotha. Depuis leur rencontre, les deux agitateurs, unissant leurs efforts au Reichstag et dans la direction du socialisme en Allemagne, ont réuni autour d’eux des adhérens de plus en plus nombreux, avec l’inébranlable conviction du succès définitif de leur œuvre. Loin de se laisser décourager par les mesures d’exception pour la répression de l’action révolutionnaire, ils ne cessent de déclarer bien haut que la loi invoquée contre eux sert la cause de la démocratie socialiste en affermissant les adeptes du parti, dont chacun met d’autant plus de zèle à gagner des prosélytes que les tracasseries de la police se multiplient davantage. En définitive, la loi contre le socialisme, comme le régime du Culturkampf, comme l’établissement et le maintien de la dictature dans les provinces conquises de l’Alsace-Lorraine, a eu pour résultat de fortifier la résistance des idées que ces moyens devaient atteindre et extirper du sein des populations de l’empire allemand.


II.

En présentant au Reichstag le projet de loi sur les mesures destinées à enrayer les progrès de la démocratie socialiste, le gouvernement de l’empire annonça la préparation d’un ensemble de dispositions législatives appelées à améliorer la condition des ouvriers en donnant la satisfaction possible à leurs aspirations légitimes. On commença par la création d’un ministère spécial, Reichsamt des Innern office de l’intérieur pour l’empire, avec la mission d’élaborer les projets de loi destinés à régler la question sociale d’après un programme dont le prince de Bismarck exposa les principes. Un message impérial du 17 novembre 1881, adressé au parlement, présenta l’adoption de ce programme comme une garantie de paix intérieure, modifiant en même temps l’idée primitive du chancelier par la substitution, aux caisses d’assurances administrées et subventionnées par l’état, de caisses et de syndicats administrés par les intéressés obligés d’en supporter les charges.

Primitivement, l’assurance contre la maladie, contre les accidens, contre l’invalidité ou l’incapacité de travail devait être faite par l’état, chargé de la totalité ou tout au moins d’une partie des frais pour secourir les ouvriers malades, indemniser les victimes des accidens du travail, procurer une pension de retraite aux invalides.