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elle nous donnait toutes les satisfactions; elle s’appliquait à conjurer les équivoques en prévoyant toutes les hypothèses. « Je ne veux pas, disait le comte de Buol, retomber dans les malentendu. . »

La diplomatie a beau jeu lorsqu’elle s’appuie sur la victoire. C’est sous l’impression profonde de la prise de Sébastopol que M. de Bourqueney traitait avec l’Autriche. Chaque nouveau succès remporté par nos armes se traduisait aussitôt à Vienne en démonstrations sympathiques pour les alliés. Si l’amour des causes vaincues n’était pas la plus rare des vertus, on eût été scandalisé en voyant les admirateurs les plus passionnés de la Russie s’attaquer sans transition à sa politique et à ses combinaisons stratégiques.

M. de Buol, avant de présenter sa sommation au cabinet de Pétersbourg, s’était adressé au cabinet de Berlin d’abord, à Francfort ensuite, pour la faire appuyer par la Confédération germanique. L’Allemagne n’avait plus lieu d’être inquiète ; Sébastopol était pris, la Russie était à bout de forces, et Napoléon III, à qui on prêtait des arrière-pensées de conquête, ne demandait qu’à conclure la paix ; l’assentiment de la Diète à la demande autrichienne ne paraissait pas douteux. Mais ce n’était pas le compte du délégué prussien. Les cours secondaires allaient lui échapper ; il était menacé de perdre le fruit de trois années de luttes et d’habiletés ; il voyait l’Autriche reprendre son ascendant en Allemagne, et c’est ce qu’il voulait empêcher à tout prix. Il se remit en campagne, raviva les rivalités et les jalousies; il se rendit à Stuttgart et à Munich pour conférer avec le roi Guillaume et le roi Maximilien.

Au lieu d’user de son influence pour amener la Confédération germanique à peser de tout son poids sur les déterminations de la cour de Pétersbourg, il s’appliqua à enlever à l’Autriche l’appoint qui eût suffi pour hâter et assurer la conclusion de la paix. Déjà on parlait d’une nouvelle conférence de Bamberg, qui, cette fois, se tiendrait à Francfort, sous la surveillance, sinon sous la présidence du plénipotentiaire du roi Frédéric-Guillaume. Interpellé par lord Bloomfield sur les démarches de M. de Bismarck, M. de Manteuffel répondit qu’il n’avait été chargé d’aucune mission politique, et que, s’il était allé à Stuttgart et à Munich, c’était uniquement pour régler des questions monétaires. Ce n’était pas ce qu’écrivaient à leurs gouvernemens les agens français et anglais accrédités auprès des cours de Bavière et de Wurtemberg.

L’empereur François-Joseph n’était pas resté inactif. Pour conjurer l’action délétère du cabinet de Berlin, il avait écrit de sa main des lettres instantes au roi Maximilien et au roi Guillaume. Le concours de ces deux souverains était précieux, souvent prépondérant,