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à cette zone. Il y a là une association particulière et toute locale de végétaux combinés, principalement di lauriers, dont les rapports intimes avec ceux de l’Europe tertiaire ont toujours frappé l’esprit des observateurs.

Ainsi comprise, et malgré sa brièveté, la revue que nous venons de passer des zones forestières, échelonnées du Cap-Nord au Sahara et aux Canaries, suffit à l’étude restreinte que nous avons en vue, et dont l’objet est la recherche de l’origine paléontologique des principaux types arborescens. Cette origine, toujours difficile à déterminer, ne saurait être poursuivie avec tant soit peu de vraisemblance qu’à l’égard de quelques-unes des espèces que nous avons sous les yeux, et de celles seulement à propos desquelles nous possédons des documens de nature à nous éclairer sur leur histoire dans le passé, sur leurs migrations antérieures, en un mot, sur la marche qu’elles auraient suivie à travers le temps, comme à travers l’espace. Ces sortes de documens, l’Europe et, après elle, bien que dans une mesure plus restreinte, l’Amérique du Nord, enfin, par une suite de découvertes des plus heureuses, la zone arctique, du Groenland au Spitzberg, sont venues nous les fournir. Il n’en serait plus ainsi, et nous ne retrouverions plus ces sortes de documens, si, nous écartant de l’Europe, nous voulions prendre pour objet des mêmes recherches les végétaux de l’Inde, de la Chine ou de l’Australie. Le fil conducteur nous ferait défaut. Remarquons-le, d’ailleurs, pour atteindre le but proposé, la connaissance d’un certain nombre de fossiles est loin de suffire ; les empreintes végétales sont, il est vrai, de précieux indices, mais des indices qui, pris isolément, n’ont qu’une valeur relative, et entraînent rarement alors des conséquences d’une portée sérieuse.

Pour réussir à pénétrer enfin dans le passé végétal d’une partie du globe, il a fallu des observations et des découvertes multipliées, des gisemens d’une richesse exceptionnelle, explorés sur un grand nombre de points, du nord au sud du continent européen ; il a fallu aussi que ces gisemens, au lieu d’appartenir à une seule période, c’est-à-dire au lieu d’être synchroniques, se soient trouvés séparés souvent par de longs intervalles, distribués par âges successifs, et qu’ils aient ainsi présenté le tableau complet de la série des temps écoulés. Par là seulement, il est devenu possible de saisir l’ensemble des vicissitudes au moyen desquelles, sur notre sol, le règne végétal s’est graduellement transformé. Si insensibles qu’aient été chaque fois les changemens, ils ont eu à la longue pour résultats de modifier à plusieurs reprises l’aspect du paysage et d’entraîner le remplacement des types et des espèces dont le tapis végétal était composé à un moment donné par des