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originairement d’une même souche, ne doit pas être confond avec l’espèce ou, si l’on veut, avec la race particularisée qui, ses caractères une fois acquis et ses aptitudes déterminées, affecte nécessairement une marche en rapport avec les tendances qui la distinguent, au sein d’une aire qui lui est propre. — Ainsi, les platanes, les peupliers, les tulipiers, même les hêtres et les châtaigniers, se montrent à nous de très bonne heure, dès le milieu ou avant la fin de la période crétacée; mais il ne s’ensuit pas que nos formes actuelles, surtout celles qui sont actuellement indigènes, soient les descendans immédiats de ces formes primitives ou de l’une d’elles prise séparément. C’est plus tard et dans le cours du tertiaire que les traces de nos platanes, l’ancêtre visible du tulipier américain et les prédécesseurs évidens des peupliers actuels, se laissent clairement apercevoir ; il en est de même du hêtre et du châtaignier, dont l’introduction en Europe s’opère au moyen d’individus isolés, distingués par des nuances qui s’effacent graduellement à mesure que l’on se rapproche des temps modernes.

La principale condition pour saisir ces origines présumées, soit du type à sa naissance, soit des ancêtres supposés, soit enfin des antécédens directs de nos espèces actuelles, c’est d’avoir présente à l’esprit la succession exacte des périodes et des étages, c’est-à-dire l’échelle chronologique des âges écoulés, donnant la date relative de chacune des apparitions constatées et l’ordre des élémens constitutifs de la marche suivie à travers le temps et l’espace par les formes végétales dont nous rencontrons les vestiges. La succession des âges, représentée par des assises déposées dans un ordre constant, la géologie stratigraphique nous la fait connaître. Mais il faut encore se rendre compte des changemens imprimés au règne végétal tout entier pendant cette longue série de périodes. Loin d’avoir été toujours semblable à lui-même, le règne végétal, depuis son point de départ, s’est transformé à plusieurs reprises, et ces transformations se rattachent directement au point de vue que nous adoptons en recherchant l’origine des espèces d’arbres que nous avons sous les yeux. Les changemens ont été trop profonds et les renouvellemens trop complets pour que le berceau de la plupart de nos végétaux puisse être reporté au sein des périodes primitives. Il ne nous est resté effectivement de celles-ci, nous l’avons déjà dit, qu’un très petit nombre de types généralement amoindris ou altérés, parmi lesquels celui du ginkgo est à peu près le seul dont la filiation puisse être établie sans lacunes, à partir du carbonifère.

Trois grandes périodes végétales doivent être distinguées, à partir du moment où la surface du globe a commencé à se couvrir de plantes aériennes : la période primaire ou « paléophytique, » ou encore « ère cryptogamique, » nommée ainsi à cause de la domination des