Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 86.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec le présent. Il ne refuse pas son concours au gouvernement royal, pas plus que ses hommages à la régente, dont il n’a jamais parlé qu’avec une délicate courtoisie. Il offre son alliance au ministère de M. Sagasta, — à la condition pourtant que le président du conseil veuille bien faire une monarchie démocratique, républicaine ou entourée d’institutions républicaines, avec le suffrage universel! c’est précisément le problème difficile à résoudre, même pour un tacticien délié comme M. Sagasta, et c’est là que M. Canovas del Castillo a pris habilement position, en opposant à la politique des compromis pseudo-démocratiques la politique de la monarchie constitutionnelle franchement libérale et conservatrice. Le chef du parti conservateur a tenu d’autant plus à s’expliquer que le discours de M. Castelar venait de provoquer un bruyant enthousiasme, auquel le président du conseil s’était associé. Il a parlé en homme qui a été, il y a quinze ans, un des auteurs de la restauration, et qui a contribué plus que tout autre à lui donner le caractère d’une grande transaction; il a parlé non en réactionnaire exclusif, non en ennemi d’un cabinet libéral qu’il a au contraire aidé à naître au moment de la mort du roi Alphonse XII, et qu’il soutient encore souvent, mais en politique éclairé, montrant au ministère le danger des réformes qu’on lui conseille ou qu’on lui impose et qui seraient la destruction de la monarchie elle-même.

En réalité, cette grande et éclatante controverse, qui a passé un peu au-dessus de la tête du ministère, ne pouvait avoir une solution pratique. Le ministère a eu, il est vrai, le vote qu’il demandait, qui lui était nécessaire pour vivre; il n’est pas moins resté dans une situation singulièrement embarrassée et perplexe, flottant entre les libéraux avancés qu’il voudrait rallier et les conservateurs qu’il tient à ménager, menacé par les divisions des partis dans le parlement et par ses propres divisions, toujours exposé aux difficultés et aux incidens qui peuvent à chaque instant précipiter une crise. Incidens et difficultés ne manquent pas depuis quelques semaines.

Il y a peu de temps, un événement des plus douloureux s’est passé aux mines de Rio-Tinto, dans la province de Huelva. Un différend relatif à l’exploitation s’est élevé entre la compagnie des mines et la population ouvrière, excitée, dit-on, par un agitateur socialiste; tout s’est rapidement envenimé. La force publique a été obligée d’intervenir, une collision a éclaté et le sang a coulé : les victimes sont assez nombreuses. Le gouvernement a-t-il mis quelque lenteur ou quelque insouciance dans le règlement administratif de certains détails d’exploitation industrielle qui intéressaient la population et d’où est né précisément le dernier conflit? La troupe employée à maintenir l’ordre a-t-elle montré peu de sang-froid devant des manifestations plus bruyantes que sérieuses? Toujours est-il que l’un des chefs les pli s ardens de l’opposition réformiste, M. Romero Robledo, s’est emparé