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prédécesseurs du duc d’Aumale ne s’étaient pas assez mis en peine de leur inspirer.

Les premiers soins donnés aux affaires générales et administratives de la province, le commandant supérieur se livra tout entier à la préparation des opérations militaires, qu’il était de plus en plus urgent d’exécuter dans le sud. Son plan comprenait d’abord quatre objets : 1° expulser du Zab les agens d’Abd-el-Kader ; 2° constituer dans ces parages le pouvoir du cheikh-el-Arab, de telle sorte qu’il pût s’y maintenir, administrer le pays et percevoir les impôts au nom de la France; 3° régler les rapports des nomades sahariens avec les tribus du Tell; 4° enfin, rétablir les anciennes relations commerciales du Zab avec Constantine. Plus tard, on verrait à faire pénétrer la domination française dans l’Aurès.

Le 8 février 1844, le lieutenant-colonel Buttafuoco sortit de Constantine avec 1,000 hommes d’infanterie, une section d’artillerie de montagne et 100 spahis, pour conduire, à 80 kilomètres de distance, dans le sud-sud-ouest, un grand convoi de vivres à Batna, Cet ancien poste romain commande au nord une longue vallée qui, longeant le versant nord-ouest de l’Aurès, débouche à l’autre bout par le défilé d’El-Kantara, dans le Zab ; c’est la principale des communications suivies par les nomades sahariens quand ils viennent échanger leurs dattes contre les grains du Tell.

Afin d’assurer les transports de la colonne, dont le détachement dirigé sur Batna n’était que l’avant-garde, le duc d’Aumale avait prescrit au cheikh-el-Arab de faire dans les Ziban une grande réquisition de chameaux. En dépit des menaces lancées par Mohammed-bel-Hadj, le principal agent d’Abd-el-Kader dans les oasis de Biskra et de Sidi-Okba, une longue caravane de plusieurs centaines de ces animaux s’était acheminée vers EI-Kantara; mais elle y avait été arrêtée, à l’instigation de l’ancien bey Ahmed, par 500 ou 600 cavaliers des Ouled-Soltan. A la nouvelle de cet incident, le lieutenant-colonel Buttafuoco fit marcher de Batna quatre compagnies d’infanterie et 200 chevaux, qui eurent bientôt fait de disperser le contingent arabe et de rouvrir le passage intercepté.

Le 25 février, le duc d’Aumale, avec le gros du corps expéditionnaire, rejoignit à Batna l’avant-garde. Pendant sa marche depuis Constantine, le général Sillègue, sorti de Sétif à la tête de deux bataillons et de 200 chevaux, avait couvert son flanc droit; attaqué dans son bivouac, pendant la nuit du 24 au 25 février, par les Ouled-Soltan, le général les avait repoussés et s’était rendu maître, le lendemain, du village de Ngaous, point stratégique important, parce qu’il commande le chemin de Sétif à Biskra.

La colonne réunie à Batna comprenait 2,400 baïonnettes,