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étudié législativement sous ses diverses faces : formé pour un temps indéfini, il ne peut être rompu qu’après une dénonciation faite quinze jours d’avance ; formé pour un temps fixe on pour un travail déterminé, il devient la loi des parties, qui n’en peuvent modifier les clauses. Les salaires doivent être payés, dans le premier cas, deux fois ; dans le second, une fois par mois. Des dédommagemens égaux à deux mois de salaires ou à quinze jours de travail peuvent être accordés à l’ouvrier en cas de faillite ; tout salaire doit être payé en argent, etc. On sait enfin que le mouvement a gagné la Belgique : en 1886, après les désordres qui s’étaient produits dans le bassin de Charleroi, le gouvernement belge jugea le moment opportun pour faire étudier par une grande commission extraparlementaire, recrutée dans tous les partis politiques, non-seulement les questions qui concernent le régime du travail lui-même et son organisation dans l’atelier, mais encore spécialement celles que suscitent les rapports des patrons et des ouvriers.

Tant de raisons et d’exemples décident plusieurs juristes et quelques publicistes à demander que le louage de services soit réglé, dans notre pays, par une série de dispositions nouvelles. Le législateur, « s’inspirant des usages établis, mais les précisant, » déterminerait les effets du contrat. Les jacobins, les collectivistes et les gens qui exploitent à leur profit la « question ouvrière, » réclament, en général, des lois impératives auxquelles on ne puisse pas déroger. Les libéraux, les hommes de science préfèrent manifestement des dispositions offertes et non imposées. Celles-ci ne laissent pas que de présenter, à leurs yeux, un grand intérêt pratique : elles dispensent les contractans d’un effort ; ces derniers s’abandonnent volontiers aux prévisions tutélaires du législateur, au lieu d’entrer dans de longues explications et de faire péniblement leurs conditions au moment où se forme l’accord des volontés.

Ce système, quelque séduisant qu’il paraisse, n’est pas le nôtre : nous ne nous joignons pas aux promoteurs de la réforme.

D’abord il ne faut pas mêler le législateur aux controverses des juristes. Le code civil, on s’en étonne, n’a pas défini le louage de services ; mais ces définitions ne sont pas nécessaires, et j’ai souvent entendu, dans ma jeunesse, un professeur distingué, que ses élèves avaient surnommé « le chef de l’école philosophique, » railler les faiseurs de lois de leurs définitions incomplètes ou ridicules. Ce n’était pas leur affaire, mais celle des docteurs ! et ces définitions, au surplus, n’obligeaient personne. D’ailleurs est-ce qu’on reproche au code de commerce français de n’avoir pas défini le contrat d’assurance ? Ce silence a-t-il entravé le développement des assurances maritimes et de toutes les assurances imaginables ? a-t-il