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posée à Paris, dans la conférence internationale ouvrière d’août 1886, à laquelle soixante chambres syndicales parisiennes et quinze groupes corporatifs de la province, sans compter les délégués étrangers, s’étaient fait représenter. Les problèmes de pur droit civil ne sont pas, sans doute, exclus des débats ni du vote : un délégué belge dénonce les fabricans qui paient leurs ouvriers avec de la farine ou du café, et l’assemblée décide que la responsabilité des « employeurs » en cas d’accident doit être réglée législativement. Mais ce qui préoccupe avant tout la conférence, c’est l’organisation du travail. Le premier article du questionnaire est ainsi conçu : « Législation internationale du travail, y compris la réglementation internationale des heures de travail. » Je relève, en effet, dans le procès-verbal de la dernière séance, le vote des conclusions qui suivent : «... 3° Fixation à huit heures de la journée de travail, avec un jour de repos par semaine ; 4° interdiction du travail de nuit, sauf dans certains cas déterminés;.. 7° établissement d’un minimum de salaire dans tous les pays, permettant à l’ouvrier de vivre honorablement et d’élever sa famille. » Il faut rapprocher de ces décisions la violente sortie d’un délégué australien contre les Chinois, a qui, travaillant seize heures par jour, dimanche compris, pour un salaire dérisoire et vivant de rien, » doivent être évidemment expulsés. Voilà le code du travail rêvé non par tous les ouvriers, mais par une sorte d’avant-garde bruyante qui mène à l’assaut une partie de la classe ouvrière, et telles sont les grandes lignes de la réforme générale qu’on dicterait au parlement. Celui-ci, s’il se bornait à faire ce que demandent les hommes de science et de liberté, devrait écarter d’abord ces prétentions déraisonnables. Nos députés seraient donc réduits à cette alternative : apporter toutes les entraves imaginables à la liberté des conventions, du travail, de la concurrence, et reconstituer au profit d’une caste nouvelle les privilèges abolis par la révolution de 1789, ou proscrire définitivement ces projets tyranniques en rédigeant pour les ouvriers un code du travail malgré les ouvriers. Si nos jurisconsultes arrivent à mettre le parlement dans cette position critique, il ne pourra leur être pardonné que sous un seul prétexte : ils n’auront pas su ce qu’ils faisaient.


II.

Parmi les questions de législation civile que le code du travail aurait à résoudre, il en est une qui divise et passionne avant tout les publicistes : la détermination des responsabilités enfantées par les accidens du travail.