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sardine. On leur avait fait pour cela des offres. Mais ces initiatives salutaires ne sont pas dans nos mœurs, et nous laissons trop volontiers, en France, les préoccupations de cet ordre au gouvernement.


I

La sardine semble tirer son nom d’une appellation générale : « sarda, » donnée autrefois, sur les bords de la Méditerranée, à diverses salaisons de poisson, peut-être parce que l’art de le préparer ainsi était né ou florissait principalement en Sardaigne. On trouve, en effet, la sardine dans la Méditerranée, où elle s’est acclimatée, comme le hareng dans la Baltique. Mais sa vraie patrie est l’Océan : on la rencontre dans toute la partie tempérée de l’Atlantique du nord, sur les côtes de Cornouailles, de France et d’Espagne, aux Açores et jusqu’aux États-Unis. On la dit abondante au Venezuela.

La sardine appartient à la famille des clupes. Les naturalistes l’y rangent tout à côté de l’alose, pourtant bien différente par sa taille et ses mœurs, et non loin d’autres espèces dont la sardine, au contraire, se rapproche davantage par son mode d’existence : le hareng, l’anchois et l’esprot ou sprat, tous recherchés pour la consommation. Le hareng et le sprat sont des poissons du nord ; la sardine, l’anchois, préfèrent les eaux plus tièdes. Ces diverses espèces vivent en troupes plus ou moins nombreuses ; elles semblent passer la plus grande partie de leur existence sous les eaux profondes, et ne se rapprocher de la surface qu’à certaines époques de l’année. On croyait autrefois que leurs bancs, apparus d’abord en un point de la côte, se déplaçaient parallèlement à elle, descendant vers le sud ou remontant vers le nord, selon l’espèce. Ce n’est là qu’une illusion. Le hareng, la sardine, viennent du large ; seulement, comme leurs bataillons n’arrivent pas tous à la fois, mais successivement et de proche en proche, on crut que c’était la même armée qui s’avançait toujours.

La sardine est une bête de noble allure, vive et fière en ses mouvemens. L’eau sans rives, sans fonds est son élément. Tout indique en elle le poisson de haute mer. Elle n’a rien de la démarche alourdie, fatiguée des espèces de fond ou de rivage. Et pourtant elle n’échappe point à ses ennemis. Une foule de gros poissons et les marsouins, les dauphins, en font un carnage sans fin, donnant la chasse aux bancs, qui sont pour eux table mise.

Comme les autres clupes, les sardines sont des poissons d’une extrême sensibilité, « labiles, » disent les naturalistes. Un rien les tue. Il suffit qu’elles aient effleuré le filet, perdu une écaille ou deux pour être touchées à mort, bien différentes en cela d’une foule