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presque indéfinie de réactions intimes, dont chacune, plus ou moins intégralement accomplie en temps voulu, va entraîner de proche en proche d’autres réactions favorables ou non à la fécondation, au développement, à la maturation du fruit. De même, dans la mer, chaque révolution solaire ramène la sardine de rogue plus ou moins nombreuse sur nos côtes, en vertu d’un enchaînement de phénomènes océaniques dont l’analyse serait sans doute fort délicate, et en tout cas nous échappe pour le présent. Eux seuls la font rare ou abondante, selon les années. Nous n’y pouvons rien, et il faut avoir la sagesse de se dire que nous n’y savons rien.


V

On est souvent enclin, dans les questions de pêche, à s’en rapporter aux pêcheurs, ils doivent s’y connaître, cela semble tellement naturel au premier abord ! Il en faut beaucoup rabattre. Certes, ils ont dans les choses pratiques de leur métier une autorité que nul ne songe à contester, mais on doit convenir aussi que leur opinion perd toute valeur dans les questions qui touchent à l’économie de la pêche et à ses rapports avec l’industrie. Il serait facile de montrer par des exemples combien nos populations maritimes, si intéressantes à tant d’égards, sont peu en état de trancher ces questions générales. Rappelons seulement, — ce n’est pas sortir de notre sujet, — l’opposition presque violente faite dans le principe aux filets fabriqués à la mécanique. Est-ce qu’ils allaient-être aussi bons que les autres ? Et puis n’allait-on pas réduire à la misère les femmes des pêcheurs qui n’auraient plus cet ouvrage ? Peu s’en fallut qu’on jetât à l’eau ceux qui les avaient introduits dans tel de nos ports où, bien entendu, on ne voit plus depuis longtemps un seul filet à la main. Il faut se rendre bien compte que le pêcheur, dans les conditions nouvelles où se fait la pêche de la sardine, n’est plus qu’un ouvrier industriel, pratiquant en quelque sorte l’extraction d’une matière première. Du jour où on n’a plus pressé la sardine, l’usine est devenue la seule ou au moins la principale clientèle du pêcheur. Mais l’usine est un établissement coûteux, il y a de lourds frais généraux, des approvisionnemens d’huile, de boites, de charbon, des engagemens avec tout un personnel. Il faut fabriquer coûte que coûte, même en mauvaise année, pour exécuter des commandes acceptées sur la prévision d’une pêche moyenne. Le poisson est payé en conséquence. Et comme cet état s’est prolongé, le pêcheur en est arrivé insensiblement à désirer qu’il y ait le moins de sardine possible, pour la vendre plus cher. De toute cette période difficile qu’on vient de traverser, il se rappelle seulement les jolies sommes empochées pour un mille de sardines. Il croit que