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plénipotentiaire du sultan, et le traité fut immédiatement conclu. Il était conforme à l’ultimatum posé par la France, si ce n’est que la mise hors la loi était substituée à l’internement, en Ce qui concernait Abd-el-Kader.

« Hadj Abd-el-Kader, était-il dit dans l’article 4, est mis hors la loi dans toute l’étendue de l’empire du Maroc, aussi bien qu’en Algérie. Il sera en conséquence poursuivi à main armée par les Français, sur le territoire de l’Algérie, et par les Marocains sur leur territoire, jusqu’à ce qu’il en soit expulsé ou qu’il soit tombé au pouvoir de l’une ou de l’autre nation. Dans le cas où Abd-el-Kader tomberait au pouvoir des troupes françaises, le gouvernement de Sa Majesté l’empereur des Français s’engage à le traiter avec égards et générosité. Dans le cas où Abd-el-Kader tomberait au pouvoir des troupes marocaines, Sa Majesté l’empereur du Maroc s’engage à le faire transporter dans une des villes du littoral ouest de l’empire, jusqu’à ce que les deux gouvernemens aient adopté de concert les mesures indispensables pour qu’Abd-el-Kader ne puisse, en aucun cas, reprendre les armes et troubler de nouveau la tranquillité de l’Algérie et du Maroc. » L’article 5 établissait la délimitation de la frontière comme au temps de la domination turque.

Disons tout de suite que, pour l’application régulière de cette clause, une convention spéciale fut signée, le 18 mars de l’année suivante, à Lalla-Maghnia, par le général de La Rue, assisté du commandant de Martimprey et de M. Léon Roches, pour la France, et par Sidi-Hamida, assisté de Si-Selaouï, pour le Maroc. Le tracé de la délimitation avait été fait par le commandant de Martimprey. « Dans le Tell, a-t-il dit modestement dans ses mémoires, ce travail était facile ; dans le Sahara, c’était beaucoup moins clair, et je fus conduit à une erreur grave, en m’en rapportant aux témoignages du kaïd de Tlemcen et de l’aghade la montagne de l’ouest. Ils nous certifièrent que les Ouled-Sidi-Cheikh-Gharaba étaient Marocains. » C’est ainsi que les ksour de Figuig, sans qu’on se doutât du sacrifice, furent abandonnés au Maroc.

En fait, le traité de Tanger, conclu sans l’attache du maréchal Bugeaud, commença par lui déplaire. Il ne s’en cachait pas et poursuivait de ses sarcasmes La Moricière, à qui l’arrangement paraissait suffire. « Applaudissez-vous tout seul, je vous en prie, lui écrivait-il ; car, moi, je ne m’applaudis pas le moins du monde, et je ne voudrais, à aucun prix, apposer ma signature au bas de ce traité. Je vous croyais un dragon d’opposition ; j’avais l’air devant vous d’un ministériel quand même, et voilà que vous approuvez tout, même ce qui est détestable. » — « Quant au traité, répliquait