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préparer la cloche à plongeur, sous laquelle prit place l’Indien le plus expérimenté. Quelques minutes après, il reparaissait tenant dans ses mains une barre d’argent massif.

— Dieu soit loué! s’écria Phipps; nous le tenons enfin, et notre fortune est faite!

La sienne l’était, et sa dynastie fondée.

On se mit à l’œuvre avec ardeur. Officiers, matelots, Indiens, redoublèrent d’efforts, et en peu de jours 300,000 livres sterling, 7,500,000 francs en lingots d’or et d’argent, avaient passé du fond de la mer à bord du navire.

Trois mois plus tard, William Phipps rentrait à Londres triomphant, enseignes déployées, au milieu des acclamations de la population, émerveillée de son succès. Mais sa destinée lui réservait une dernière épreuve. L’éclat de sa réussite avait éveillé les cupidités de la cour. Charles II avait besoin d’argent pour la guerre et pour ses maîtresses; aussi ses conseillers, empressés à lui plaire et à faire main basse sur un trésor dont il leur resterait toujours bien quelque chose, n’hésitèrent pas à prétendre qu’il appartenait légalement à la couronne, William Phipps n’ayant pas, suivant eux, exactement indiqué, dès le début, l’endroit où se trouvait le navire coulé, et le souverain ayant seul droit régalien sur les épaves et bris recueillis par des navires sous son pavillon.

Peu s’en fallut que leur avis prévalût et que William Phipps se vît dépouillé du fruit de ses efforts ; mais il lutta avec autant d’énergie pour le conserver que pour le conquérir, et Charles II, plus équitable que ses conseillers, non-seulement respecta ses droits, mais l’anoblit et le nomma grand-shérif de la Nouvelle-Angleterre. Promu quelques années après au rang de gouverneur royal du Massachussets, William Phipps s’illustra par son administration, et prit une part brillante aux expéditions dirigées contre Québec et Port-Royal. Immensément riche pour l’époque, il fit un emploi judicieux de ses capitaux, acheta des terres qui décuplèrent de valeur, et transmit à ses héritiers, depuis marquis de Normanby, une des plus grandes fortunes de cette riche Angleterre, où les re- venus d’un pair du royaume, le duc de Westminster, dépassent 50,000 francs par jour.


V.

Au septième rang des millionnaires américains figure le nom bien connu de M. J. Gordon Bennett, l’éditeur du New-York Herald. Nous avons eu l’occasion, ici même[1], de rappeler les

  1. Voir, dans la Revue du 1er mars 1877, le Journalisme aux États-Unis.