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les étoiles. » C’est de causer avec la mère et la fille que notre Pasquier était en train, quand il aperçut une puce posée sur le sein de la seconde : ce spectacle lui suggéra sur-le-champ d’assez jolis commentaires qui ne déplurent pas aux deux dames. On trouva même qu’il y avait là belle matière à poésie. Mlle des Roches et Pasquier se promirent de faire chacun leur pièce et la firent. L’une et l’autre semblèrent, à qui les vit, admirables. L’émulation des collègues de Pasquier en fut excitée : ce fut à qui rimerait sur l’heureuse puce et porterait son œuvre à Mlle des Roches.


Ne nous trompetez plus votre troyen cheval
Dont vinrent tant de ducs, ô trompeuses trompettes;
Vos superbes discours n’ont rien à nous d’égal,
Puisqu’une puce éclot tant de braves poètes!


Brisson, Chopin, Loisel, Mangot, Tournebu, Binet, Scaliger, Rapin, La Coudraie, Mâchefer, chacun s’y mit en toutes les langues, et plus d’un fît plusieurs pièces. Il advint que les plus graves produisirent les plus lestes : celle d’Odet de Tournebu brille entre toutes par l’audace ; Mlle des Roches trouva qu’elle était faite de « vers doux coulans, » et quand elle écrivit, en vers aussi, à chacun de ses poètes afin de les remercier, son remercîment à Tournebu fut très vif. — Quatre ans après, aux Grands Jours de Troyes, la main d’Etienne Pasquier fut prétexte à de semblables jeux ; mais ce thème était moins piquant que l’autre et donna des résultats moins remarquables.

C’est assez parler de ces enfantillages. Les Lettres qu’Etienne Pasquier écrivit, à la manière de Cicéron et de Pline, sur la politique, sur l’histoire, sur la littérature, sur sa vie domestique, sont, après les Recherches de la France, son œuvre capitale. Elles forment un volumineux recueil, où paraissent à chaque page et mieux que nulle part ailleurs les deux faces de son caractère, mi-partie gaulois, mi-partie romain. D’un bout à l’autre, elles débordent de patriotisme, quel que soit le sujet traité. Comme il se plaît à parler et reparler de « notre France ! » Comme il est vraiment heureux de la belle défense du duc François de Guise dans les murs de Metz ! « Une chose me réjouit infiniment : c’est que l’empereur, ayant failli pour un bon coup à son dessein, je me persuade que cette ville nous est assurée pour longtemps. » Comme il est ingénieux et sage à tracer des plans de politique nationale ! Il n’eût pas fait les guerres d’Italie, mais il n’eût pas non plus, s’il eût été le maître, laissé passer sans en profiter les révoltes des Flandres contre l’Espagne : « Si nous étions bien avisés, il y aurait quelque moyen de réunir cet état des Flandres au nôtre pendant ses divisions ; mais