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LA LÉGENDE DE KRISHNA.

— Laissez les épancher leur cœur ; elles valent mieux que vous. Car celle-ci a la loi et celle-là l’amour. Sarasvati la pécheresse est sauvée dès à présent parce qu’elle a cru en moi, et Nichdali, dans son silence, a plus aimé la vérité que vous par tous vos cris. Sachez donc que ma mère radieuse, qui vit dans le soleil de Mahadéva, lui enseignera les mystères de l’amour éternel, quand vous tous serez encore plongés dans les ténèbres des vies inférieures.

À partir de ce jour, Sarasvati et Nichdali s’attachèrent aux pas de Krishna et le suivirent avec ses disciples. Inspirées par lui, elles enseignèrent les autres femmes.


Kansa régnait toujours à Madoura. Depuis le meurtre du vieux Vasichta, le roi n’avait pas trouvé de paix sur son trône. La prophétie de l’anachorète s’était réalisée : le fils de Dévaki était vivant ! Le roi l’avait vu, et devant son regard il avait senti se fondre sa force et sa royauté. Il tremblait pour sa vie comme une feuille sèche, et souvent, malgré ses gardes, il se retournait brusquement, s’attendant à voir le jeune héros, terrible et radieux, debout sous sa porte. — De son côté, Nysoumba, roulée sur sa couche, au fond du gynécée, songeait à ses pouvoirs perdus. Lorsqu’elle apprit que Krishna, devenu prophète, prêchait sur les bords du Gange, elle persuada au roi d’envoyer contre lui une troupe de soldats et de l’amener garotté. Quand Krishna les aperçut, il sourit et leur dit :

— Je sais qui vous êtes et pourquoi vous venez. Je suis prêt à vous suivre auprès de votre roi ; mais, avant, laissez-moi vous parler du roi du ciel, qui est le mien.

Et il commença à parler de Mahadéva, de sa splendeur et de ses manifestations. Quand il eut fini, les soldats rendirent leurs armes à Krishna en disant :

— Nous ne t’emmènerons pas prisonnier auprès de notre roi, mais nous te suivrons chez le tien. Et ils restèrent auprès de lui. Kansa, ayant appris cela, fut fort effrayé. Nysoumba lui dit :

— Envoie les premiers du royaume.

Ainsi fut fait. Ils allèrent dans la ville où Krishna enseignait. Ils avaient promis de ne pas l’écouter. Mais quand ils virent l’éclat de son regard, la majesté de son maintien et le respect que lui témoignait la foule, ils ne purent s’empêcher de l’entendre. Krishna leur parla de la servitude intérieure de ceux qui font le mal et de la liberté céleste de ceux qui font le bien. Les kchatryas furent pleins de joie et de surprise, car ils se sentirent comme délivrés d’un poids énorme.

— En vérité, tu es un grand magicien, dirent-ils. Car nous avions