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s’engage dans la forêt. Les rayons du soleil qui se brisent aux branches des arbres projettent sur les gazons de longues traînées lumineuses : des gouttes d’eau, perles irisées, tombent du feuillage, rosée de la nuit qui au matin se résout en vapeur, ou se condense pour se répandre en larmes sur le sol ; enfin, pour récréer l’âme, tous les attraits de la nature en ses jours de fête. Tout à coup, parmi nos écoliers, se manifeste une attention, une surprise, une joie, qui se trahit par de bruyantes exclamations. En ce moment, des écureuils courent à travers les allées, grimpent sur les troncs d’arbres, s’élancent de branche en branche avec une prestesse vertigineuse. Quelques-uns gagnent le nid où ils élèvent une jeune famille. Le maître ne laisse point échapper si belle occasion d’instruire son monde au sujet de l’écureuil, l’élégant mammifère qui donne aux forêts de l’Europe une singulière animation, le gracieux rongeur qui semble avoir emprunté aux singes l’agilité, les mouvemens, les attitudes. Puis on chemine et l’on s’arrête au chant du coucou qui demeure invisible, on marche et l’on s’arrête encore à la vue d’une famille de pinsons ou de rossignols envoyant des fusées de notes joyeuses. Enfin, on considère le papillon qui voltige, paraissant ne voir personne, et sachant toujours échapper à la main prête à le saisir. En avançant sous la feuillée, les parfums excitent les cerveaux. Alors quel plaisir en découvrant les muguets aux feuilles luisantes et aux petites fleurs d’un blanc d’ivoire, les violettes odorantes presque cachées entre les herbes, les fraisiers garnis de fleurs et montrant sur certaines tiges des fruits appétissans. On frôle les buissons de genêts aux fleurs jaunes, et tout près on aperçoit des églantines. Comme les jolies fleurs aux larges pétales roses et aux étamines d’or ravissent tous les yeux, et comme s’ouvrent les oreilles lorsque le maître apprend que ces fleurs sont des roses sauvages dont la culture fait les roses volumineuses et superbes qui embellissent les parcs, les jardins et même les habitations ! Avec les enfans des petites classes, on ne s’occupe que des plantes aux fleurs d’une grâce particulière ou d’un aspect saisissant. Aux élèves des classes moyennes est réservée l’histoire des végétaux, qui ne captivent point par d’égales séductions. On se met à contempler des chênes magnifiques, un hêtre gigantesque, dans la clairière de flexibles bouleaux à l’écorce blanche. Sommes-nous au printemps, les chênes sont en pleine floraison ; l’instant est propice pour examiner de l’arbre, au port incomparable, les fleurs en chatons d’apparence si modeste. On parlera de la croissance du chêne, des qualités et des usages de son bois, de la valeur de son écorce. Par une pente naturelle sera évoqué le souvenir des temps anciens où le chêne était l’objet de la vénération des peuples, où de naïves légendes