Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 87.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accidens survinrent : Charlemagne répudia sa femme, peut-être pour la simple raison qu’elle ne lui plaisait pas, et Carloman mourut. Celui-ci laissait des fils, que son frère dépouilla et qui allèrent remettre leur cause entre les mains de Didier. Dès lors, le roi des Lombards devient l’ennemi personnel de Charlemagne, et la politique d’alliance reprend son cours sous le pontificat d’Hadrien, qui succède à Paul en 772.


V.

Didier voulait faire rois les fils de Carloman, diviser ainsi le royaume des Francs et s’y assurer des alliés. Il demanda au pape de sacrer les princes dépossédés. Hadrien savait sans doute que ceux-ci n’avaient point de parti en Gaule. Dans le renouveau de jeunesse guerrière apporté par les Carolingiens, la nation suivait le vaillant Charles et ne se préoccupait point du sort d’une femme et de deux enfans. Il vit très bien, d’ailleurs, que, si les Francs étaient réduits à l’impuissance, « les Lombards s’empareraient de Rome et soumettraient l’Italie entière à leur domination. » Il refusa donc de se rendre auprès de Didier. Il lui interdit de venir à Rome. Il rassembla des troupes, et lorsque le roi se présenta devant la ville, il la trouva si bien défendue qu’il se retira devant la menace d’anathème. Cependant Hadrien envoyait en Gaule ambassades sur ambassades. À la fin de l’année 773, après une campagne en Saxe, le roi des Francs se mit en route vers l’Italie.

Encore une fois, Pavie est cernée. Le siège dure longtemps. Charles, laissant les lignes d’investissement, va prendre Vérone et la famille de Carloman. Il retourne à Pavie, qui tient toujours. Vers Pâques, » il est saisi d’un grand désir d’aller visiter le seuil des apôtres. « Il part, emmenant avec lui des évêques, des abbés, des comtes et une petite armée. Le pape, très étonné, très ému, envoie au-devant de lui les magistrats de Rome, jusqu’à trente milles, et quand l’approche est signalée, la milice et les écoliers, les croix et les étendards. Ce cortège porte des branches de palmier et d’olivier, chante et acclame. Charles descend de cheval et se dirige vers Saint-Pierre. Le pape l’attendait au haut des degrés. Le roi baise chacune des marches, arrive jusqu’au pontife, l’embrasse et lui prend la main droite. Ils entrent dans l’église. Les cantiques de louange éclatent autour d’eux : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Pape, roi, évêques, guerriers, se prosternent devant le tombeau de l’apôtre.

Le lendemain, jour de Pâques, et les jours suivans, des messes